Enfant et temps d’écran : UN « SYMPTÔME FAMILIAL »
En avril dernier, Santé publique France publiait une étude inquiétante sur les comportements des tout-petits face aux écrans. Mais doit-on réellement s’en méfier ? Nawal Abboub, docteure en sciences cognitives, explique que les outils numériques – utilisé
Selon une vaste enquête, publiée en avril dernier par Santé publique France, les chérubins passeraient de plus en plus de temps devant la TV, l’ordinateur, les tablettes ou les smartphones (lire ci-contre). Cette durée excède largement les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconise de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans, puis de limiter le temps à 1 heure par jour entre 2 et 5 ans. Les outils numériques sont en effet accusés des pires maux : retards de développement, baisse du QI, trouble du sommeil, difficultés scolaires… Dans son ouvrage La Puissance des bébés, Nawal Abboub, docteur en sciences cognitives de l’université Pariscité invite à la nuance.
Existe-il des études montrant clairement un impact négatif des écrans sur le développement des enfants ?
Soyons clairs : non ! Actuellement, aucune étude scientifique ne permet de conclure que les écrans sont responsables – à eux seuls – d’un quelconque problème sur le développement. Ce que certaines études ont par contre montré, c’est que les enfants qui ont un terreau plus fragile – avec des retards de développement liés à des facteurs génétiques ou environnementaux – regardent plus souvent les écrans. Le problème, c’est que cette précision est trop souvent oubliée dans les messages de prévention mais aussi dans les médias, et cela crée une vraie peur chez les parents.
Cela veut dire que la TV, l’ordinateur ou les tablettes représentent un « symptôme » plutôt que la « cause » du problème ?
Exactement. En réalité, ce n’est pas l’écran en lui-même qui engendre des scores plus faibles de langage, un retard de développement ou des problèmes du sommeil, mais c’est surtout ce qui se passe en sein de la famille. Ainsi, la télévision – qui resterait allumée par défaut – peut être une solution trouvée rapidement par des parents qui manquent de temps et d’opportunités autour d’eux.
Or, ne pas parler à son enfant de la journée et le laisser devant la TV peut clairement retarder son langage. Là, il s’agit plutôt d’un problème de communication au sein du foyer. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce n’est pas de la faute des écrans à eux seuls. La trajectoire de développement cognitif d’un enfant dépend d’une multitude de facteurs, qu’ils soient génétiques, liés à la qualité de la relation parents-enfants, à l’histoire familiale… Ainsi, tous les enfants ne sont pas concernés par les temps importants d’écran, et ces derniers ne représentent pas forcément un danger.
Mais alors, pourquoi une telle diabolisation des écrans ?
Chaque avancée technologique a amené son lot de craintes et de peurs. De l‘imprimerie produisant les premiers livres en passant par l’arrivée de la radio puis de la télévision et enfin d’internet et des smartphones… Dans l’histoire, les nouveaux outils ont toujours questionné les humains sur la perte de l’intelligence et l’appauvrissement de la qualité de nos rapports sociaux.
« Les écrans n’entraînent pas, à eux seuls, de retard de développement » Nawal Abboub Docteur en sciences cognitives
Les parents peuvent donc utiliser les écrans sans avoir peur ?
Évidemment ! Mais tout est une question d’équilibre : les enfants ne doivent pas y passer trop de temps. Pour son développement, il a besoin d’une multitude de stimulations. Les écrans, utilisés intelligemment et sur un temps limité, peuvent aider à l’apprentissage (lire ci-dessous). C’est pourquoi il est inutile de vouloir les bannir absolument.