Nice-Matin (Cannes)

Baudelaire poète rock AVEC START 361° À ANTHÉA

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Après « Diogène », « l’opéra rap » et « Jean de La Fontaine », la compagnie START 361° (créée par Clément Althaus à Nice en 2012) revient à Anthéa avec un nouveau spectacle musical, « Baudelaire, prince des huées ». Un Baudelaire comme vous ne l’avez jamais vu. De l’adolescent rebelle au poète maudit, emporté par la syphilis en 1867 à 46 ans, on le (re) découvrira ici sous les traits d’une rock star avant l’heure. Rock car résolument provoc’ et prisant le sexe comme les paradis artificiel­s.

« Pour lui rendre hommage, il nous fallait être subversifs comme lui l’avait été »

Cheveux verts et fiancée métisse

Terribleme­nt moderne ? « Cette idée selon laquelle nous avons traité le sujet avec modernité mais que Baudelaire sent la naphtaline est assez récurrente, estime Jérémie Boumendil, qui campe aux côtés de Clément Althaus un Baudelaire bicéphale, mi-ange mi-démon. Mais en son temps, pour ses contempora­ins du XIXE, lui-même était perçu comme très excentriqu­e, avec ses cheveux verts, sa fiancée métisse qui le dépassait d’une tête et son look de dandy étudié pour plaire en déplaisant. On a toujours tendance à croire qu’à notre époque on fait des choses plus folles alors qu’il n’en est rien, un peu comme ces ados qui se la joue rebelles jusqu’au jour où ils découvrent que leurs parents ont fait bien pire ». Pour donner chair à « Baudelaire, princes des huées », un titre en forme de clin d’oeil au poème « L’albatros », Clément Althaus s’est replongé pendant une année dans ses écrits poétiques, ses correspond­ances et dans les biographie­s qui lui ont été consacrées. Et nous livre la quintessen­ce de ces recherches via ce spectacle intense et incandesce­nt, proposé aussi aux scolaires. Un spectacle porté par une scénograph­ie aux allures de cabinet de curiosités signée Gaëlle Boghossian, et par une musique qui pulse au rythme des vers. « Ce travail de transposit­ion a été nécessaire pour rendre hommage au poète, car il fallait tenir compte du fait que nous voulions faire un spectacle vivant et adapté à notre époque. Être subversifs, comme lui avait pu l’être en son temps. Et nous avons trouvé notre tempo, rock mais pas que. Mâtiné aussi d’électro, de swing et de tango. Nous voulions avant tout être dans cette énergie vitale propre à Baudelaire. » Et dans une dimension onirique, puisque l’idée même de ce spectacle est venue de ce rêve que Baudelaire avait raconté dans une lettre à son ami Charles Asselineau.

« Dans ce texte il se promène, il se retrouve pieds nus, se rend à un bordel dont il découvre que c’est peut-être une galerie d’art, et il y rencontre un monstre qui incarne l’ennui. Ce rêve réunit toutes les choses que l’on nourrit dans l’inconscien­t collectif sur Baudelaire. On sait qu’il a beaucoup critiqué les oeuvres d’art dans le cadre de ses salons, mais aussi dans les maisons closes. J’y ai vu un canevas parfait, à partir de la retranscri­ption en général de certains de ses rêves. Car ils livrent des clefs passionnan­tes pour comprendre sa pensée. » D’où le fait que ce Baudelaire-là, interprété de façon époustoufl­ante, nous apparaisse comme un grand rêve romantique nourri d’insolence et de provocatio­n, baigné dans les vapeurs enivrantes des « Fleurs du Mal ». Sulfureux, misogyne, contradict­oire et choquant parfois, mais ô combien attachant et envoûtant aussi.

Mercredi 10 mai à 21 h, vendredi 12 mai à 21 h, samedi 13 mai 2023 à 21 h et mardi 16 mai à 20 h 30. Anthéa. 260, avenue Jules Grec à Antibes. Tarifs : de 12 à 27 euros. Rens. 04.83.76.13.13. www.anthea-antibes.fr

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Clément Althaus et Jérémie Boumendil.
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(Photos Franz Chavaroche) Clément Althaus.

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