« Il est impératif de dissocier transport et contrainte »
Fin février, Élisabeth Borne annonçait un plan de grande ampleur pour le transport en France. Réunissant 100 milliards d’euros d’ici 2040, ce plan donne la priorité au ferroviaire et veut lancer les nombreux projets de RER métropolitains annoncés quelques semaines plus tôt. Les métropoles concernées (une dizaine) n’ont pourtant pas attendu ces annonces pour préparer la décarbonation des transports sur leurs territoires.
Afin de prendre la mesure des actions menées, et d’étudier les conditions de leur déploiement, La Fabrique de la Cité a conduit l’année dernière un travail de terrain dans les métropoles de Nice-côte-d’azur, Toulouse et Tours-val-de Loire, interrogeant élus, professionnels du secteur et habitants. La note que nous avons publiée le mois dernier revient sur cette étude et rappelle que, partout en France, la coopération entre échelles régionales et locales est cruciale. Dans la Métropole de Nice, la voiture est toujours le mode de transport le plus utilisé, principalement de la périphérie vers le centre. Cependant, plus d’un habitant sur deux se donne moins de cinq ans pour réduire l’impact écologique de ses déplacements ! Pour ce faire, plusieurs solutions se démarquent dans la Métropole, dont les parkings-relais aux entrées de ville, les services d’autocars express sur autoroute et autres voies dédiées pour le covoiturage.
Si la volonté ne manque pas (88 % des habitants de la Métropole déclarent qu’ils aimeraient pouvoir réduire l’impact écologique de leurs déplacements quotidiens), la marche est encore haute.
Des solutions existent déjà
Pourtant, les solutions existent déjà : carte de transport intégrant plusieurs modes en Nouvelle Aquitaine, réseau d’autocars express très efficaces à Madrid, élargissement des compétences de L’AOM (autorité organisatrice de la mobilité) à Paris ou Lyon, parkings-relais à Nice, réseau de bus très dense à Toulouse… Reste que de nombreuses contradictions entre besoins et attentes des habitants illustrent la complexité du rôle des élus d’une part, et la difficile appréhension des changements à venir d’autre part. À titre d’exemple, la majorité des répondants, pourtant très en faveur des transports en commun, utilise le plus souvent la voiture... Cela dans un contexte où les chantiers de long terme se heurtent parfois aux dates butoirs très proches de la décarbonation des véhicules. Conscients de ces fortes attentes, les élus locaux en appellent à la coopération entre territoires et travaillent à développer des infrastructures multimodales, puisqu’il serait inefficace d’opposer les modes : rail, route et modes actifs doivent se développer ensemble, là où chacun est pertinent. Chaque difficulté pour passer d’un mode de transport à l’autre sur un même trajet constitue un irritant pour l’usager et un argument en faveur de l’autosolisme… qui conduit à la congestion.
Deux temporalités
Toute la difficulté est d’agir sur deux temporalités : planifier l’aménagement du temps long dont les effets sont directs sur les territoires de grande ampleur (bassin de mobilité, d’emploi), et encourager les dynamiques à court terme, localisées, pour faciliter la mobilité décarbonée et les solidarités qu’elle suscite. À l’heure où la décarbonation des transports est aussi urgente que le contexte difficile, il est impératif de dissocier transport et contrainte, déplacement et difficulté, avenir et inquiétude. Dans les métropoles, les habitants n’ont plus besoin d’être convaincus de l’urgence de la transition écologique mais plutôt d’obtenir les moyens de changer leurs habitudes. Et c’est bien la coopération entre les différents échelons et strates administratives qui semble la voie la plus prometteuse.
De nombreuses contradictions entre besoins et attentes”
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