Nice-Matin (Cannes)

Pallier le manque d’eau par des retenues avant la mer ?

Voici la question soumise à la rédaction par Alain : « Face à la sécheresse, pourquoi ne pas limiter le déversemen­t des cours d’eau dans la mer ? »

- AURÉLIE SELVI aselvi@nicematin.fr

Alors que les Alpesmarit­imes et le Var sont frappés de plein fouet par la sécheresse, vous vous interrogez sur des solutions envisageab­les pour pallier le manque d’eau qui guette plus que jamais ses habitants. Et pourquoi ne pas limiter le déversemen­t des cours d’eau dans la mer ? « Tant qu’il y a encore de l’eau dans les fleuves et les rivières, il me semble idiot de la laisser retourner à la mer qui n’en a pas besoin », plaidez-vous. On fait le tour de la question.

#1 La mer a besoin d’eau douce

Pas si simple, répond l’agence de l’eau Rhône Méditerran­ée Corse. « Même si ça ne semble pas évident, la mer a besoin d’eau et en particulie­r d’eau douce », expliquent ses services. Cette eau issue des fleuves joue plusieurs rôles.

« Elle est indispensa­ble à l’équilibre du secteur côtier et à l’équilibre de l’écosystème associé. Par exemple, les huîtres ne peuvent pas se développer sans un mélange eau douce - eau salée. Mais audelà, c’est le cas de toute la biologie côtière », ajoute l’agence de l’eau.

Elle est chargée en sédiments qui nourrissen­t les plages, mais aussi de nutriments, eux aussi nécessaire­s à l’écosystème marin. Limiter cette arrivée d’eau douce dans la mer, c’est donc jouer avec l’équilibre du littoral.

« Toute l’eau qui n’arrive pas à la mer, en particulie­r dans la Méditerran­ée qui est fermée, en modifie la dynamique, abonde l’hydrologue Florence Habets. D’autant que cette mer-là a déjà énormément subi de prélèvemen­ts : les gros barrages sur le Nil, de l’ebre en ont modifié la salinité et les écoulement­s. »

#2 Et si on multipliai­t les barrages ?

“d’eau, Moins il y a plus on la stocke, plus la sécheresse s’accentue »

« Pourquoi ne pas imaginer un système de contrôle du débit des cours d’eau en multiplian­t les petits barrages sur les petits cours d’eau ? », vous questionne­z-vous aussi.

« Le recours aux barrages peut sembler une solution et c’est d’ailleurs déjà le cas », souligne l’agence de l’eau Rhône Méditerran­ée Corse. Mais l’organisme nuance : « Les multiplier pour contrôler le débit pose la question du coût global de ces ouvrages : le service qu’ils rendraient reste souvent trop cher par rapport au bénéfice qu’il y a à faire autrement

en économisan­t l’eau (notamment en bouchant les fuites des canalisati­ons). »

Si certains secteurs en France ont adopté l’option du barrage, c’est généraleme­nt en l’associant à un autre usage économique que celui du simple contrôle des débits : production hydroélect­rique,

d’eau potable…

Ces installati­ons, en venant contraindr­e la nature, ont aussi un effet sur les écosystème­s. « Les espèces ont besoin de se déplacer pour se nourrir, se reproduire. Les barrages posent aussi des problèmes de rupture écologique », note l’agence de l’eau.

#3 Gare au cercle vicieux

Prélever de l’eau dans les rivières et les fleuves peut même accentuer une autre

forme de sécheresse. On parle alors de « sécheresse anthropiqu­e », c’est-à-dire causée par l’humain.

« Celle-ci est directemen­t liée aux aménagemen­ts qu’on peut faire et aux prélèvemen­ts d’eau », vulgarise l’hydrologue Florence Habets. Dans le Verdon, dont les gorges ont offert cet été des images de sécheresse saisissant­es, ce phénomène est à l’oeuvre, « le canal de Provence envoyant de l’eau en quantité vers l’aval pour l’agricultur­e et pour la production d’électricit­é », souligne la spécialist­e.

Attention donc au cercle vicieux que peut engendrer l’option de retenir l’eau douce. « Moins il y a d’eau, plus on la stocke. Plus on la stocke, plus la sécheresse anthropiqu­e s’accentue. Et on retarde la prise de décision », alerte Florence Habets. L’hydrologue préconise plutôt « d’aller sur le front de la sobriété pour tout ce qui est exploitati­on de la ressource naturelle » pour ne pas aller vers des dégâts « de plus en plus forts ».

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(Photo Cyril Dodergny) Stocker l’eau des rivières avant qu’elle n’arrive à la mer ne serait pas une bonne idée, car l’écosystème des côtes a besoin du mélange eau salée - eau douce.

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