Nice-Matin (Cannes)

De la « folie » selon Ben AU MUSÉE D’ART NAÏF À NICE

Jusqu’au 6 mai 2024, La Ville de Nice accueille « On est tous fous », une expo immersive de Ben, au Musée Internatio­nal d’art Naïf Anatole Jakovsky. Jubilatoir­e.

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Dès que l’on pénètre dans le parc du musée, le ton est donné. Entre la façade principale ornée d’un « Être ce n’est pas être » XXL, se déployant avec cette écriture cursive reconnaiss­able entre toutes (évoquant aussi sa maison de Saint-pancrace entièremen­t recouverte et remplie de ses oeuvres) un « ring du doute » prêt à accueillir des performanc­es, un campingcar devenu « Le centre mondial du questionne­ment » clin d’oeil appuyé au mouvement Fluxus, et un étrange attelage surmonté d’une poule géante renvoyant à Annie (l’épouse de l’artiste) on est bien dans l’univers de Ben ! Et puisque carte blanche lui a été donnée pendant une année, cet artiste majeur du XXE siècle ne s’est pas privé d’investir les quelque 500 m2 du musée habituelle­ment dédié à l’art naïf, brut et singulier, avec affection et humour.

« Je pars du principe que tout artiste a un grain de folie qu’il aimerait exposer, mais n’ose pas. » Point de cartel d’introducti­on à l’entrée. Ben, en toute liberté, y a inscrit cette phrase d’une main légère guidée par son « génie » créatif et parfois en interactio­n avec des visiteurs du musée amusés et médusés.

Dans les appartemen­ts des Jakovsky

Sur cette thématique de la folie, l’univers foisonnant et toujours assorti d’humour de Ben est donc ainsi donné à voir, en une succession de moments qui, de ses « petites idées » jusqu’aux « nouvelles écritures » en passant par « les sculptures », la « photograph­ie », le « temps » et la « mort », composent un kaléidosco­pe de ses réalisatio­ns les plus actuelles. Allant d’un petit salon, à une chambre à coucher et son vestiaire, en passant par une baignoire, un baby-foot, des tables et chaises propices à la conversati­on, un coin projection, une estrade à débattre, une cage d’escalier réinterpré­tée par Ben et baptisée « l’escalier psychiatri­que ». L’exposition s’étend jusque dans les appartemen­ts des époux Jakovsky, donnant une atmosphère nouvelle au musée d’art Naïf, sur un fond musical d’erik Satie. Dans la partie salle de bains, le public est même invité, s’il le désire, à prendre « un bain tout nu avec Ben », à la seule condition de prendre un ticket ! Tout au long de la visite, Ben nous interroge sur les notions d’ego, de beau, de laid et de l’artiste.

À travers une riche programmat­ion et une pluralité de médiums, ses interrogat­ions se font tour à tour peintures, photograph­ie, films, sculptures, performanc­es et débats. Ben nous ouvre les portes d’une partie plus intime de sa vie, où amis et famille sont présents et l’entourent, faisant de sa vie un art.

Mais « On est tous fous » est aussi et surtout l’histoire d’une rencontre, celle entre les oeuvres de Ben (plus de 300) celles de sa propre collection (plus de 250) et certaines oeuvres issues de la collection initiale d’anatole et Renée Jakovsky. Cette dernière a permis la création de ce musée en 1982, enrichies de dons, legs, donations et acquisitio­ns portant à près de 3 000 items la collection actuelle.

De son côté, Ben, comme il nous l’a confié, nourrit depuis longtemps un vif intérêt à l’égard de l’art naïf. Il voue en particulie­r une admiration au facteur Cheval

auquel il avait rendu hommage avec ses amis, par le prisme de l’exposition « Le palais idéal des egos étranges » en 2016.

Parmi les oeuvres appartenan­t à Ben, on note, pêle-mêle, des tableaux achetés à l’abbé Pierre, une oeuvre de Robert Combas, des dessins de Virginie Broquet, une allure des années cinquante d’arman, de l’art aborigène australien et même « des dessins du clochard de la rue de France » ! C’est dire l’éclectisme et l’esprit ô combien iconoclast­e de cet artiste internatio­nalement reconnu autant par sa production que par ses actions. « Depuis l’ouverture de mon magasin en 1958 rue Tonduti de l’escarène, je n’ai pas arrêté de collection­ner », résume-t-il.

C’est aussi, bien sûr, la rencontre entre Ben et son public. Public invité à « plonger » dans son univers et même à participer, via notamment une boîte à idées.

« Je pars du principe que tout artiste a un grain de folie qu’il aimerait expose mais n’ose pas »

Performanc­es et débats

« On est tous fous » sera accompagné­e d’un programme d’événements proposés sur toute l’année avec des projection­s de films, des rencontres inattendue­s, des performanc­es, des soirées de folie et de philosophi­e, avec des invités qui investiron­t la villa comme les jardins. « Attention, cette expo est censée durer un an, souligne Ben dans sa dernière newsletter « soi-disant corrigée par CHATGPT ». Il va donc y avoir possibilit­é de changement, d’ajouts de nouveaux artistes, de nouveaux films, de nouveaux débats, de nouveaux accrochage­s. Même si ma santé flanche, l’expo peut continuer. Le ring est là, disponible, la salle de cinéma est disponible pour vos films, pour des débats. » Esprits affûtés, à vos gants de boxe !

Musée d’art Naïf Anatole Jakovsky. Château Sainte-hélène, avenue de Fabron. Ouvert de 10 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h. Fermé le mardi. Tarif : 6,20 euros. Gratuit pour moins de 13 ans accompagné­s.

Rens. 04.93.71.78.33. www.nice.fr

 ?? ?? Ben dans sa baignoire de la vérité.
(Photo Ville de Nice Pascal Segrette)
Ben dans sa baignoire de la vérité. (Photo Ville de Nice Pascal Segrette)
 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Une partie de l’accrochage.
(Photo Frantz Bouton) Une partie de l’accrochage.
 ?? ?? (Photo Frantz Bouton)
(Photo Frantz Bouton)

Newspapers in French

Newspapers from France