Distribution d’eau potable :
Alors que les sources d’eau potable se tarissent, les consommateurs azuréens sont appelés à faire preuve de modération. Entre les deux, des kilomètres de canalisations parfois vétustes laissent s’échapper des tonnes d’eau dans la nature.
Daluis, dans la haute vallée du Var, n’a pas vraiment de problème d’eau. En pleine sécheresse, l’été dernier, les sources qui alimentent ce village d’à peine 150 âmes continuaient à donner : « Même s’il y avait dix fois plus d’habitants, nous pourrions encore subvenir à leurs besoins », se réjouit le maire Guy Maunier. Si bien qu’à Daluis ce sont davantage les problèmes de flux financiers que d’écoulement d’eau qui ont longtemps préoccupé l’administration locale.
Une cinquantaine de communes hors la loi
Ce serait d’ailleurs « par souci d’économie » que l’ancien maire a estimé que sa commune pouvait se contenter d’une seule canalisation. Celle dédiée à l’arrosage a disparu il y a une vingtaine d’années. Avec les « cinq fontaines du village qui coulent en permanence », c’est l’une des explications avancées par Guy Maunier pour justifier le rendement catastrophique de son réseau de distribution : 27,1 % en 2021 selon les dernières données publiques de Sispéa, l’observatoire national des réseaux (voir encadré ci-dessous). Autrement dit, près des trois quarts de l’eau traitée pour l’alimentation de Daluis n’arrivent pas dans les maisons. Ici elle servirait donc, en partie, à arroser les potagers. La plupart du temps, elle est tout simplement perdue. La vétusté des conduites est à l’origine d’un incroyable gaspillage. Au Mas, dans le haut pays grassois, « les canalisations les plus anciennes datent de 1956 », rappelle le maire, Ludovic Sanchez. Même si le passage de la commune dans la régie du canal de Beltrude, en 2020, a permis de faire des travaux pour limiter les fuites dans le village, cet élu reconnaît avoir encore « de grosses pertes en eau » sur le reste de son territoire. Plus de 10 m3 par jour et par kilomètre de réseau selon Sispéa qui place Le Mas en tête des communes dont le rendement est le plus mauvais : moins de 20 % !
Selon l’observatoire, une cinquantaine de communes azuréennes perdent plus d’un quart de l’eau qu’elles transportent et sont donc hors les clous de la loi « Grenelle 2 ». Soit plus de 6 millions de m3 qui, chaque année, n’arrivent jamais à bon port.
L’un des pires réseaux de distribution est celui du SILCEN qui est aussi, depuis 1935, l’un des plus vieux syndicats intercommunaux du département.
4000 km de tuyauterie en partie fuyarde
Pour alimenter ses 15 communes adhérentes de la vallée du Paillon, de Drap à Duranus, le SILCEN dispose de plus de 136 km de canalisations. Un vaste système de tuyauterie devenu fuyard.
Son président, Maurice Lavagna, en a bien conscience. C’est d’ailleurs ce qui l’a conduit, début 2022, à se défaire du prestataire privé qui en assurait l’entretien. Une entreprise varoise qui gérait le réseau avec beaucoup trop de « désinvolture » à son goût. « Cela a déjà permis d’améliorer notre rendement », assure-t-il. « Aujourd’hui, lorsqu’un bassin de stockage est en surverse, on le coupe dans la demi-heure, de jour comme de nuit. Avant, il pouvait déborder pendant 2 jours avant que quelqu’un n’intervienne », assure-til. Mais le président de ce syndicat intercommunal le sait : pour résoudre efficacement ces problèmes de tuyauterie, il faudra en passer par des « gros travaux ». Et c’est bien là que le bat blesse aujourd’hui.
Plus de 4 000 km de tuyauteries souterraines sillonnent le département pour desservir ses 163 communes. Or, « un mètre de tranchée coûte en moyenne 1 000 euros », rappelle le maire du Mas. Pour que les conduites cessent de fuir, il va falloir y injecter des sommes colossales. Alors que la ressource, elle, reste gratuite. Même si elle s’amenuise. Et pour cause : à l’ouest, malgré un rendement très honorable de 83,6 %, le Syndicat Mixte des Communes Alimentées par les Canaux de la Siagne et du Loup (le SICASIL) perd, selon Sispéa, près de 5 millions de m3 chaque année !
Et même dans une commune aussi petite que Péone, les fuites cumulées suffiraient à remplir l’équivalent d’une centaine de piscines olympiques.