Joële, la bonne fée qui lutte contre la pauvreté
Depuis 30 ans, Joële Jacob s’occupe du dépôt-vente de l’association SOS Mieux Vivre. La responsable retraitée se démène pour les personnes dans le besoin.
Àl’heure du chacun pour soi, Joële Jacob pourrait profiter de sa retraite de mille façons. À quoi bon ? Tous ces portants, ces vêtements lui donnent la plus grande satisfaction.
Raccrochera-t-elle un jour sa veste ? Vision funeste.
Tant que ses quatre-vingts bougies n’auront pas été soufflées, elle ne restituera pas les clefs. Les rendre plus tôt lui semble impossible. « Aider les autres, c’est comme une drogue. »
Aucun jour ne passe sans que la septuagénaire, ivre de solidarité, ne prenne son shot de charité dans son local de vingt-sept mètres carrés. La petite surface n’a jamais « étriquer » ses grands projets. Pour l’association SOS Mieux Vivre comme pour son dépôt-vente. « Il y a trente ans, elle a
été créée pour aider un ami souffrant d’un cancer. Maintenant, elle aide à lutter contre la pauvreté. »
Solidarité naturelle
Aider les autres, c’est comme une drogue”
Joële Jacob n’est pas tombée dans la marmite du bénévolat au hasard. Elle a « toujours aimé sincèrement les gens ». Décryptage de son curriculum vitae : des années d’expérience au guichet de la sécurité sociale avant d’entrer dans l’univers de l’hôtellerie. Son amie Françoise Gerbe, venue lui rendre visite, lève le nez de son téléphone : « Se rendre au service de l’autre, c’est naturel pour elle. » Elle-même a traversé bien des tempêtes. Une escroquerie, un incendie, un cancer, deux cambriolages… Dans son oreille, les murmures. « Vous revenez de loin. » Expression que la grand-mère de sept petits-enfants (et un arrière-petit-enfant !) balaie d’un revers de la main. «Au moins, je suis encore vivante. » Encore debout, prête à bondir sur tous ceux qui l’appellent à l’aide. Aussi nombreux soient-ils. Si bien que Joële Jacob n’aurait jamais pensé devoir installer, un jour, une panière de « vêtements gratuits » devant sa boutique, dans laquelle elle affiche, pourtant, des prix minis. «Je dois remplir ce bac trois ou quatre fois par jour. »
Cette bonne action ne suffit pas toujours. « Devant la porte, j’installe des portants avec des vêtements à 50 centimes ou 1 euro. Certains passants les
volent. »
Son regard s’adoucit davantage : « Que voulez-vous que j’y fasse ? Si les gens me volent, c’est qu’ils sont sûrement dans le besoin… »
La bonté incarnée, vous dites ? Parfois trop, pense son mari, Michel Jacob. « Elle n’a jamais de temps pour elle. » Pour son couple non plus. «Il me reproche, de temps en temps, de ne pas assez m’occuper de lui », rit son épouse, qui «ne se voit pas vivre seule » après cinquantecinq ans de vie commune. Qui se rassemble s’assemble, après tout. Michel Jacob, non plus, ne se tourne jamais les pouces. « Dès qu’une personne dans le quartier a besoin d’aide pour des papiers ou de la mécanique, je lui dis : ‘« Attends, j’appelle mon mari ! »’ D’une bonne humeur communicative, les tourtereaux se marrent. « Il m’est déjà arrivé d’en aider certains à constituer un dossier de surendettement. »
Ouvrir son coeur et son frigo
« Notre porte est toujours ouverte. » Leur réfrigérateur, aussi. Quand Joële et Michel Jacob se retrouvent face à de véritables miséreux – « ceux qui ne se plaignent jamais et
n’osent rien demander » – ils piochent dans leur garde-manger personnel pour leur donner de quoi se nourrir.
Au détriment de leurs propres estomacs. « L’inflation nous touche aussi. Quand on fait nos courses, nous redoublons d’attention. Nous n’achetons quasiment plus de viande, de fruits et légumes. »
L’avenir, pour autant, ne les effraie pas. « Ce mois-ci, nous n’avions pas assez pour payer le loyer. Nous avons dû piocher dans notre retraite pour tenir le compte. Ce n’est pas grave, on s’en sortira toujours. » Les prochains mois ne seront « que meilleurs » grâce à une détermination hors du commun. Tel est, d’ailleurs, le « plus grand défaut » de celle que tout le monde surnomme « Toto », si l’on en croit ses enfants Marie et Fred. Tous deux joints par téléphone, aucun d’eux n’a hésité quand il a fallu répondre à la question. « Tu n’es pas toujours réceptive », a ajouté le responsable de l’enseigne Vival, sur l’avenue Mathias-duval à quelques mètres de la friperie associative.
Joële Jacob le reconnaît volontiers : elle n’écoute que son coeur…
Vous pouvez déposer des dons de vêtements au 8 avenue Mathias-duval, à Grasse. Tél. 06.69.62.91.80.