Drames routiers : le
Animées d’un sentiment d’abandon, des familles de victimes de la route réclament davantage de justice, d’accompagnement, et la reconnaissance d’un délit d’homicide routier.
U « ngars qui vole une voiture, qui roule à vive allure, en plein Paris, qui percute un gamin à un feu rouge, comment on peut supporter ça ? C’est quoi la valeur de notre enfant dans cette histoire ? » Un an après le drame, la plaie reste béante dans le coeur de Yannick Alléno. Le 8 mai 2022, arrêté à un feu rouge sur son scooter, le fils du célèbre chef étoilé, Antoine, était mortellement fauché par un automobiliste alcoolisé qui se trouvait au volant d’une voiture volée. Depuis, la famille du jeune homme mène un combat sans relâche. Quatre mois après cette tragédie, est née l’association Antoine Alléno, destinée à accompagner les familles endeuillées et ainsi enrayer « la solitude » qui les entoure.
« J’ai découvert un monde complètement déshumanisé, confiait alors Yannick Alléno. Comment, dans une société comme la nôtre, on ne fait pas le travail nécessaire d’accompagner les victimes ? À faire en sorte que ce soit plus humain ? », interrogeait-il.
Instaurer un délit d’homicide routier
Invité au micro de RTL avant-hier, le chef parisien est revenu sur ce drame, qu’il considère être « un crime », appelant de ses voeux l’instauration d’un délit d’homicide routier. Et rejetant, de fait, la notion d’« homicide involontaire », qui prévaut aujourd’hui dans le droit français.
Car pour Yannick Alléno, et toutes les familles victimes, « il est insupportable d’entendre dire que votre fils est mort de façon involontaire ». Insupportable, aussi, de savoir l’auteur des faits en liberté, placé sous contrôle judiciaire dans l’attente du procès.
« Qu’aucune famille ne soit laissée de côté »
Mais le combat lié à l’instauration du délit d’homicide routier n’est pas nouveau. Actuelle présidente du Collectif Justice pour les victimes de la route, Cathy Bourgoin est sur le front depuis plus de dix ans.
Véritable battante, la mère de famille a perdu son fils, disparu tragiquement sur la route à l’âge de 22 ans. À la tête de cette association nationale, qu’elle a cofondée en 2009, Cathy Bourgoin a deux leitmotivs : « que nos enfants ne soient pas oubliés » et « qu’aucune famille ne soit laissée de côté ».
« Au tout début, ce n’était pas une association mais une colère de mamans qui ne comprenaient pas que la justice n’applique pas les textes de loi existants », explique-t-elle. Aujourd’hui encore, « l’homicide involontaire n’est pas entendable pour les familles à partir du moment où il y a une ou plusieurs circonstances aggravantes ».
« Que ce sentiment d’impunité cesse »
Et cela va au-delà de la sémantique, au-delà des effets d’annonce. « Derrière ce combat, se cachent des réalités : il n’est pas normal que des familles attendent des années un procès, qu’elles soient seules dans cette épreuve, et que des plaintes soient refusées. Nous avons l’impression que les valeurs se sont inversées, que les auteurs de ces faits ont plus de droits que les familles. Il faut que ce sentiment d’impunité cesse », insiste la responsable associative.
Outre les nombreuses démarches qu’elle entreprend aux côtés des familles, Cathy Bourgoin regrette « l’absence d’une vraie politique de sécurité routière ». « Nous avons rencontré la déléguée interministérielle pour en discuter. Au lieu de multiplier l’installation de radars, qui pour moi sont de véritables pompes à fric, pourquoi ne pas sensibiliser dès le plus jeune âge aux risques routiers, améliorer l’état des routes secondaires et y concentrer davantage d’effectifs policiers. Pour nous ce ne sont pas de simples éléments de langage. » Mais bel et bien le combat d’une vie.