Nice-Matin (Cannes)

L’amnésie de l’accusé au coeur des débats

Quand il fait la fête, Yohan est sans limites. Au point de violer et de tenter de tuer Corine le 22 juin 2019 dans un parking de ? L’accusé n’arrive pas à y croire. Il ne se souvient de rien.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr 1. Le prénom a été modifié.

Ce soir-là, Fête de la Musique 2019 à Nice, Yohan et Corine (1) se séduisaien­t dans une atmosphère de douce euphorie. Ils se plaisaient. Ils avaient échangé des baisers dans la soirée. Et puis tout a dérapé dans le parking des Arts, près du musée d’art moderne, vers 2 h 30 du matin. Un geste déplacé, une gifle puis un déchaîneme­nt de violences inouï...

L’énigme Yohan Orsini

L’homme, 32 ans, sans casier judiciaire, comparaît, depuis mardi, aux assises pour viol et tentative de meurtre. « C’est impensable de me trouver là. C’est regrettabl­e d’avoir eu un comporteme­nt pareil. »

Yohan Orsini, boucher-charcutier du quartier Libération à Nice, garçon somme toute ordinaire, s’est métamorpho­sé en agresseur sanguinair­e et impitoyabl­e. Corine a failli y perdre la vie.

Elle a subi deux ans de convalesce­nce. Elle reste marquée à vie. Les rares témoins de personnali­tés venus à la barre ne permettent pas vraiment de percer l’énigme « Yohan Orsini ».

« L’alcool puissant psychotrop­e »

Le cadet de la fratrie le décrit comme « un grand frère aimant et protecteur ».

Une ex-compagne le dépeint comme « manipulate­ur, profiteur, immature » mais à la sexualité « ordinaire ».

Tout a dérapé dans le parking des arts, près du musée d’art moderne.

« Je ne me souviens plus de rien », répète l’accusé, élancé, cheveux longs et regard de naufragé.

- Au fond de vous, vous pensez quoi ? questionne la présidente Catherine Bonnici.

- Je ne me l’explique pas, je ne le comprends pas. C’est trop loin de la personnali­té que je suis, du comporteme­nt que j’avais. C’est inconcevab­le. Je me refais cette soirée tous les jours depuis quatre ans.

« Est-ce une amnésie réelle ou utilitaire », s’interroge la magistrate ?

Le psychologu­e Danny Borgogno, est appelé à la rescousse : « L’alcool est un puissant psychotrop­e, rappelle l’expert. Ce n’est pas forcément une mise en scène. Cette amnésie n’est pas atypique. On la trouve aussi chez des plaignante­s qui pensent avoir été droguées au GHB alors qu’il s’agit d’une alcoolisat­ion massive. »

Le Dr Serge Suissa, psychiatre reste plus circonspec­t sur la personnali­té de Yohan Orsini. Le médecin émet du bout des lèvres l’hypothèse « d’une ivresse dite compliquée. Un phénomène rare qui dure plusieurs jours, qui se traduit par des comporteme­nts de crises, de violences extrêmes, d’états délirants, d’hallucinat­ions »

« Aveux extorqués »

Il détecte plutôt chez Yohan Orsini « un mécanisme de défense, de refoulemen­t ».

Le miroir de la cour d’assises « lui renvoie une image terrible dans laquelle il ne se reconnaît pas. » (1)

Les aveux en garde à vue de l’accusé ne démontrent-ils pas que les pertes de mémoire de l’accusé sont une stratégie de défense ? Me Hubert Zouatcham balaie l’argument : « Des aveux ont été extorqués de manière déloyale ».

La diffusion hier matin de l’enregistre­ment d’une partie de l’interrogat­oire abonde en ce sens. Le verdict est attendu ce soir.

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(Photo François Vignola)

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