Nice-Matin (Cannes)

Mélanie Serre

VEUT ALLER PLUS LOIN DANS LE NATUREL

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr Elsa, au Monte-carlo Beach (avenue Princesseg­race), à Roquebrune-cap-martin. Tél. 00.377.98.06.50.05.

Le restaurant Elsa, au Monte-carlo Beach, a abandonné la certificat­ion bio, par souci de cohérence. On a voulu en savoir plus sur la cheffe par qui tout est arrivé.

Le bio, c’est bien beau. Mais ça ne fait pas tout. C’est en substance le message de Mélanie Serre, la cheffe de l’elsa, le restaurant étoilé du Monte-carlo Beach, à Roquebrune-cap-martin. Depuis l’année dernière, c’est à elle que Danièle Garcelon, la directrice, a confié les clefs de la cuisine, et le bonheur des clients de sa table. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne manque pas de caractère. « On a décidé d’arrêter le 100 % bio. C’était mon combat. C’est vrai que c’est très vendeur, mais c’est de plus en plus de contrainte­s, parfois au détriment de la qualité du produit. Certains produits ne sont pas disponible­s en bio en France et j’étais obligée d’aller les chercher à l’étranger. Je préfère travailler en local avec un paysan de talent, même s’il ne fait pas du bio, plutôt que de prendre des produits qui ont fait un long trajet. »

Car, depuis des années, l’elsa était certifié par Ecocert, qui impose des normes drastiques. Ça a même été le premier restaurant étoilé avec cette certificat­ion. Et ça a été un critère décisif pour la venue de Mélanie : « Je ne connaissai­s pas le travail dans un restaurant certifié. Je trouvais que c’était un challenge stimulant. Et comme je m’ennuie vite, ça a vraiment joué dans ma décision d’accepter ce poste. » Mais qui est celle qui a abattu cet atout, pourtant majeur, de ce prestigieu­x restaurant ?

De l’ardèche à Monaco

Si elle dit qu’elle ne connaissai­t pas les contrainte­s du bio, n’allez pas imaginer que Mélanie Serre est une Parisienne pure bitume. Pas du tout. Même si elle officie déjà dans un restaurant à Paris, le Louis Vins, c’est d’ardèche qu’elle vient. « C’est le seul départemen­t sans autoroute ni gare SNCF. Plus de chèvres que d’habitants, mais c’est un endroit magnifique pour grandir. Mes parents y vivent toujours et la première chose que je fais quand je rentre en Ardèche, c’est me coucher dans l’herbe. »

Si elle se définit comme une femme de la campagne, elle a plusieurs facettes : « Je sais m’adapter très rapidement et je me sens vite chez moi. On sait qu’on est à la maison grâce aux gens qui nous entourent, pas grâce au lieu. »

À Monaco, elle n’est pas dépaysée, puisqu’elle avait passé quelques années au Métropole, aux côtés de Christophe Cussac. C’est là qu’elle rencontre Joël Robuchon, qui fera d’elle la première cheffe du groupe. Une expérience enrichissa­nte, mais épuisante : «Çaa été difficile de n’être toujours entourée que d’hommes, je devais en permanence justifier pourquoi j’avais eu ce poste, plutôt qu’un homme. » Mélanie ne croit pas au conflit, alors elle met les bouchées doubles. « Je crois que le respect s’obtient par le travail. En étant la première le matin et la dernière le soir. »

De la gestion à la cuisine Mélanie Serre : « Je préfère travailler en local avec un paysan de talent, même s’il ne fait pas du bio, plutôt que de prendre des produits qui ont fait un long trajet ».

Trouver des solutions, c’est ce qu’elle a appris à faire, avant même de cuisiner. « Je voulais avoir mon établissem­ent et j’ai suivi une licence management des établissem­ents de restaurati­on. À l’époque, je voulais gérer un hôtel sur chaque continent. Organiser, gérer du monde, résoudre des problèmes. » Pour anticiper les difficulté­s, à la fin de son cursus, elle décide de faire un stage de cuisine : « Je me disais qu’il fallait que j’ai une parade si, plus tard, un chef me laissait tomber au dernier moment. » Elle rentre chez Potel & Chabot, un traiteur haut de gamme qui sert l’élysée et Roland Garros. Et c’est le coup de foudre. Elle comprend que la cuisine, c’est son univers.

Ouvrir sa propre maison, elle a voulu le faire, après ses années chez Robuchon. Mais les difficulté­s s’enchaînaie­nt. « J’ai visité 85 fonds de commerce et, à chaque fois, il y avait quelque chose qui n’allait pas. Et puis il y a eu le Covid. Si j’avais ouvert quelque chose, j’y aurais laissé toutes mes plumes. J’ai peut-être une bonne étoile ! »

Cuisine d’hiver, cuisine d’été

Un ami d’enfance, qui a son restaurant, lui propose de remplacer son chef qui vient de partir. C’est comme cela qu’elle se retrouve au Louis Vins. « C’est un endroit très chaleureux, dans lequel on est particuliè­rement bien en hiver. On y sert, par exemple, un pithiviers au magret et au foie gras de canard. » Au sortir de cette tanière d’hiver, c’est au Monte-carlo Beach qu’elle vient exercer une tout autre cuisine. Plus végétale, plus marine. « Pour concevoir la carte, je me suis installée sur la terrasse, face à la mer, et je me suis demandé ce que j’aimerais manger. »

Après le succès de sa première saison, elle a rempilé, pour le bonheur de tout le monde. Mais à la condition que l’elsa abandonne le bio. « On continue de faire une cuisine au plus proche de la nature, en zéro déchet, bonne pour l’environnem­ent et la mer, mais pas au détriment du goût. » Ni de la cohérence : « Je voulais travailler des produits de cueillette sauvage, comme les orties. C’est impossible en Ecocert, si le terrain où ils ont poussé n’est pas certifié biologique. Et ça, pour moi, ça n’a pas de sens. »

Mélanie Serre a reçu cette année une récompense de l’organisme La Liste : le prix de la responsabi­lité éthique et environnem­entale. Touchée par cette récompense, elle ne considère pas que ce prix est incompatib­le avec sa démarche : « En prenant cette décision, on s’autorise à aller encore plus loin dans le naturel. » >

« Je voulais travailler les orties sauvages. C’était impossible si le terrain n’était pas certifié biologique »

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(Photo Jean-françois Ottonello)
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