Vésubie et Tinée : les chantiers de la Métropole à l’arrêt ?
Grand flou autour de la poursuite des travaux consécutifs à la tempête Alex. Les perquisitions à la suite d’irrégularités comptables sont-elles la cause de ce dysfonctionnement ?
Dans la Vésubie, le sujet est sur toutes les lèvres et personne ne comprend ce qu’il se passe. Comme à Venanson, village lilliputien de 150 âmes, où Henri marche aussi vite que son âge et ses jambes toutes fluettes le lui permettent. « Le pourquoi du comment, on ne sait pas. Mais c’est la galère, ils se foutent de la gueule du monde. Ils étaient prêts à couler le béton et, soudain, ils ont passé dix jours à démonter tout ce qu’ils avaient fait. C’est de la folie, on ne verra plus jamais ce pont. »
Le pont des Alberas a été détruit par la tempête Alex, dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020. Tout comme la route d’accès au village, ce qui l’avait coupé du monde. Depuis, une route « provisoire » a été réalisée. « Mais s’il y a un coup de flotte, on est foutus », souffle le vieux monsieur.
La route de la Madone de Fenestre à l’arrêt
Le chantier de la nouvelle route définitive devait débuter en avril. Celui du pont des Alberas était presque terminé. Mais les entreprises ont tout remballé, et tout est à l’arrêt. C’est le cas de tous les chantiers de reconstruction commandités par la Métropole Nice Côte d’azur (NCA).
Seuls les travaux de confortement des berges, menés par le Smiage (Syndicat mixte pour les inondations, l’aménagement et la gestion de l’eau maralpin) et les régies (pour l’entretien des routes, le ramassage des ordures…) continuent de tourner.
Le reste est au point mort, au grand désarroi des populations et des élus, morts d’inquiétude. C’est notamment le cas de la route de la Madone de Fenestre, enjeu majeur pour le tourisme de Saint-martin-vésubie. «Ily avait la route provisoire, ça permettait à certains véhicules de passer, confirme Alain Jardinet, le premier adjoint. Mais les travaux définitifs avaient commencé. Ils avaient été arrêtés pour l’hiver et ils n’ont pas repris. On nous a dit que, pour cet été, des travaux seraient réalisés en régie. »
Pourquoi ? C’est la question
que tout le monde se pose. En particulier les maires, plus inquiets que jamais.
Les maires veulent des informations
Ils se demandent si les caisses sont vides, si ces chantiers vitaux pour leurs communes font les frais des restrictions budgétaires annoncées par la Métropole.
Ou si c’est à cause de la vaste opération de perquisitions lancées depuis un mois à la mairie de Nice et dans les subdivisions métropolitaines, après que les services de Christian Estrosi ont affirmé avoir découvert des irrégularités comptables. Avec à la clé la suspension de 17 agents, dont plusieurs cadres.
Loetitia Loré, maire de Venanson, a fait le lien entre
les perquisitions et l’arrêt des travaux, depuis qu’une réunion s’est tenue entre les maires de la Vésubie et Christian Estrosi, le 19 avril. Deux jours avant les perquisitions. « Le chantier s’est arrêté le 17 et on n’a rien su jusqu’au 19 avril », jure-t-elle. Comme de nombreux maires, elle regrette l’absence d’informations « essentielles, surtout après le traumatisme » lié au passage dévastateur et meurtrier de la tempête, il y a deux ans et huit mois. « Et puis les agents suspendus, humainement c’est difficile. Ce sont des gens avec qui on travaillait tous les jours. »
À la subdivision Vésubie – quelques préfabriqués installés tout près de l’école de Roquebillière – les agents en gilet jaune discutent dans la cour, ce jeudi 4 mai. Difficile
pour eux d’évoquer l’affaire. Tout ce qu’ils savent, c’est que leur « chef » fait partie des agents mis sur la touche.
« Chantiers ralentis, pas à l’arrêt »
L’inquiétude règne, au point qu’olivier Breuilly, le directeur général des services (DGS) de la Métropole, est venu « rassurer les troupes ». Alors que tout est figé et que les entreprises ont plié bagage, il soutient que « des chantiers sont ralentis » mais aucun « n’est à l’arrêt » .Il évoque les budgets : «On n’a pas encore eu la totalité de l’enveloppe financière prévue par l’état. On met la pression au préfet. Dès qu’on a l’argent, ça repartira. » Mais aussi l’enquête, en mettant en cause les entreprises : « Nous, on n’a fait arrêter aucun chantier puisque pour nous ils sont terminés, réceptionnés et payés. Nous avons écrit à une dizaine d’entreprises pour leur dire qu’elles nous devaient de l’argent. »
« On nous reproche ce système qu’on a toujours subi »
Un courrier qui révolte la direction d’une des entreprises, en rage d’être « traînée dans la boue ». « La Métropole nous a donné l’ordre de tout arrêter alors que notre but, c’est de les faire, ces travaux. La vérité, c’est qu’on subit un dysfonctionnement comptable de la Métropole, c’est tout. » L’entreprise, qui souhaite rester anonyme, poursuit : « Le problème de base, c’est que la Métropole nous facture en fin d’année un chantier qu’on commencera l’année suivante, parce que ça les arrange pour solder une fin de budget. Ou, à l’inverse, des fois, on nous paie l’année après qu’on a fait le chantier. C’est un système qui a toujours existé. Aujourd’hui, on se focalise sur la tempête Alex, mais c’est le fonctionnement économique de la Métropole. Et voilà qu’on reproche aux agents et aux entreprises ce système qu’on a toujours subi ».
« Au moment du départ des deux subdivisionnaires des vallées, il a été porté à ma connaissance des travaux payés mais non réalisés, insiste le DGS. J’en ai immédiatement informé le président [Christian Estrosi], qui a fait un signalement auprès du procureur. C’est à ce dernier et à personne d’autre de déterminer si des infractions pénales ont été commises ou non. »
La Métropole a-t-elle profité de l’enquête ?
Pendant que la Métropole refuse de « faire d’autres commentaires », la polémique enfle. Les députés LR Éric Ciotti et Christelle d’intorni l’accusent d’avoir « profité » de cette affaire pour mettre à l’arrêt des chantiers, alors que le véritable problème serait les finances. Ce dont se défend l’intéressée.
« Il apparaît désormais évident que les ralentissements étaient liés aux grandes difficultés financières de la Métropole Nice Côte d’azur et non à la procédure judiciaire, comme cela a été avancé », ont-ils communiqué mercredi 10 mai. Quelques heures après que Christian Estrosi a annoncé aux maires de la Tinée et de la Vésubie que l’enquête administrative était terminée, et qu’en conséquence, les agents allaient être réintégrés et que les chantiers allaient reprendre. Encore une fois, les maires sont tombés des nues. « Pour l’instant, je n’ai pas plus d’info concrète, répond Loetitia Loré, maire de Venanson. Bon. Là, on nous dit que ça va reprendre. Quand on a ce genre d’info, on est contents. »