Des équipements stratégiques vulnérables pointés du doigt
« Entre ce soir et un siècle, Nice connaîtra un séisme destructeur. C’est une certitude absolue. » Cette sentence, c’est le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff, qui l’a assénée au micro de France Inter le 18 octobre 1979 ! Ce qui lui valut quelques mots peu amènes avec le maire de l’époque, Jacques Médecin, qui lui reprochait de faire fuir les touristes. Près d’un demisiècle plus tard, Stéphane Liautaud, le référent séisme de la préfecture, avoue continuer se battre quotidiennement contre le sentiment partagé entre « résignation et dénis » que suscite toujours ce risque, certes majeur, mais totalement imprévisible.
« Sensibiliser », « acculturer », « convaincre »
Haroun Tazieff, pas plus qu’un autre, n’était en mesure de le prédire. Sauf que nommé en 1983 secrétaire d’état aux risques naturels et technologiques, le vulcanologue a contribué à le caractériser. C’est sous son impulsion que la France a commencé à étudier de près sa sismicité, rappelle Christophe Larroque, chercheur au laboratoire Géoazur. Elle est désormais bien connue. Grâce notamment à une vingtaine de stations qui, dans notre région, scrutent les moindres mouvements telluriques. Et les soubresauts que tracent quotidiennement les sismographes azuréens semblent aussi catégoriques que Haroun Tazieff. Le risque existe. Il aura pourtant fallu attendre 2017 pour qu’un préfet prenne enfin le problème à bras-lecorps. C’est à cette date que Stéphane Liautaud a été nommé référent séisme pour le département. Depuis, il tente de « sensibiliser », « acculturer », « convaincre », les acteurs publics et privés des Alpes-maritimes, où l’intégralité des communes sont soumises – à divers degrés – à l’aléa sismique. En 2019, un plan Orsec a été arrêté pour guider l’intervention des secours en cas de tremblement de terre. Un scénario du pire, qui cette même année sert d’hypothèse à un rapport alarmiste du ministère de la Transition écologique. La publication souligne que le département n’est pas prêt à affronter un événement majeur, du type de celui qui s’est produit en 1887. Certes, depuis les années 70, les normes sismiques n’ont cessé de se durcir. Mais elles ne s’appliquent presque exclusivement qu’aux nouvelles constructions. Or, un certain nombre d’équipements stratégiques sont antérieurs.
L’effet « presqu’île » dont pourrait être victime l’est du département
Les trois commissaires du ministère à l’origine de ce rapport pointent l’effet « presqu’île » dont pourrait être victime l’est du département en cas de séisme. En effet, les secours appelés en renfort se retrouveraient bloqués à la frontière naturelle que constitue le fleuve Var si les ponts qui l’enjambent venaient à s’écrouler. Ni le pont Napoléon III, ni le viaduc autoroutier ne sont aux normes parasismiques. Le seul axe répondant à la réglementation est en fait la RM202 bis, ce qui obligerait les secours à un long détour via Carros.
Stéphane Liautaud le sait mieux que quiconque. « Je me bats pour mettre en place un itinéraire de crise sécurisé de Mandelieu à Menton », explique-t-il. Mais encore faut-il convaincre l’ensemble des partenaires : «Ilyaplusde 200 ouvrages d’art le long de cet axe qu’il va falloir expertiser et éventuellement renforcer. » « Nous sommes dans l’action », assure le Monsieur séisme du département. « Mais au rythme des moyens humains et financiers de l’état », reconnaît-il. Et dans un contexte où « une crise chasse l’autre » : « Depuis 2017, nous avons eu à faire face à la tempête Alex, puis à la crise sanitaire et maintenant la sécheresse. »
Un itinéraire de crise
Résultat, la mise aux normes de certains équipements stratégiques en est toujours à la phase des études préparatoire et du chiffrage des travaux à réaliser. Leur vulnérabilité a pourtant été mise en exergue par le rapport ministériel de 2019 intitulé « Aléa sismique à Nice, passer du déni à une action volontaire dans la durée ». La tour Jean-moulin qui abrite la cellule de crise de la préfecture, la caserne des pompiers de Magnan à Nice, la tour de contrôle de l’aéroport, ou encore l’hôpital de l’archet, pourraient figurer parmi les bâtiments les plus endommagés par la secousse.