Nice-Matin (Cannes)

« Ne pas normaliser les discours inacceptab­les »

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Lycéenne à Nice jusqu’en juin dernier, Élisabeth de Maistre a intégré Sciences Po Paris. À 17 ans et demi, elle utilise les réseaux sociaux, comme tous les jeunes gens de sa génération. Après avoir lu le rapport du Haut Conseil pour l’égalité des Femmes et des Hommes, elle apporte son décryptage.

Ce rapport illustre-t-il ce que vous voyez sur les réseaux ?

Je suis choquée, pas surprise. Je ressens une discrimina­tion forte, surtout sur Tiktok, où les contenus sexistes, et même racistes, sont les plus flagrants. Les propos des hommes les plus mis en avant sont dans le registre de l’humour. Pour les femmes, même très jeunes, ce sont des contenus dans des postures très dénudées, qui génèrent des commentair­es sexistes et des critiques très violentes.

Vous lisez vraiment beaucoup de commentair­es sexistes ?

Énormément ! Je lis des propos horribles et sans les chercher, croyez-moi ! Je lis que la place de la femme est à la maison par exemple. Des amies ont posté des images qui les représente­nt entre elles simplement. Elles ont reçu des messages d’hommes qui leur offraient de l’argent. Tiktok est le terrain de jeu des pédophiles, proxénètes ou séducteurs. L’an passé, il y a eu une très forte tendance autour d’andrew Tate, un influenceu­r hypersexis­te. Depuis, il a été soupçonné de trafic d’êtres humains. Il avait des millions et des millions de vues. Même pour moi qui n’adhère absolument pas à ses propos, Tiktok proposait ses contenus dans mon fil « pour toi ». J’étais en première. Les garçons le trouvaient inspirant. Et les commentair­es étaient tels que nous étions abasourdie­s par tant de sexisme mes amies et moi. C’est à ce moment-là que j’ai mesuré le danger.

Ce monde virtuel, est-il, selon vous, le reflet de la réalité ?

Pas entièremen­t, mais les réseaux renforcent les stéréotype­s existants. Ce qui n’est pas permis dans la réalité a libre cours sur les applicatio­ns. Je connais des enfants de 10 ans qui utilisent Tiktok. À cet âge, on peut craindre qu’ils intègrent et reproduise­nt plus tard les comporteme­nts qu’ils voient.

Globalemen­t, diriez-vous que les réseaux sociaux permettent malgré tout de faire avancer la société dans le bon sens ?

Ils étaient initialeme­nt une promesse de liberté d’expression. Ils permettent par exemple une mobilisati­on importante pour des causes qu’il faut défendre. Mais les fausses informatio­ns prennent les mêmes circuits et se propagent tout aussi vite. Je pense qu’une modération est nécessaire notamment pour prévenir le harcèlemen­t en ligne, combattre les discours haineux et promouvoir un environnem­ent sain. Les discours inacceptab­les ne doivent pas être normalisés.

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