Nice-Matin (Cannes)

Anatomie du point de

Le point de deal de la Laverie, dans le quartier des Moulins à Nice, est le plus rentable des Alpes-maritimes. Plongée au coeur de son fonctionne­ment, de sa violence.

- Dossier : Grégory LECLERC gleclerc@nicematin.fr

L’opération « place nette » qui s’est tenue mardi dans le quartier des Moulins, à Nice, près du point de deal de la Laverie, avec force drones, fourgons et muscles saillants sous les uniformes, n’est pas qu’une opération de com’.

Elle s’inscrit dans une politique globale de harcèlemen­t au quotidien mêlée à de l’investigat­ion sur le long terme. Fait rarissime, nous avons pu en parler longuement avec le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, et le patron de la police judiciaire niçoise, Eric Antonetti.

14 interpella­tions en novembre

Avec eux, nous avons pu entrer dans le coeur du fonctionne­ment du plus gros point de deal du départemen­t. « La Laverie est le plus rentable assurément », affirme le patron de la PJ. Le 13 novembre dernier, ses enquêteurs ont frappé un grand coup. Au terme d’un an d’investigat­ions, la PJ a interpellé quatorze personnes, dont le boss du réseau, en Italie. 365 jours à planquer, à écouter, à observer, à flairer le réseau avant de le faire tomber. 126 000 euros, quatre fusils d’assaut, cachés dans des box et des voitures, ont été saisis. La drogue, près de 200 kg, était planquée dans un lieu qu’on appelle « nourrice ». En l’occurrence un box, à Pégomas.

« Un véritable enjeu »

« Le point de deal de la Laverie n’est pas aussi gros que ceux qu’on peut voir à Marseille. Là-bas, les clients font parfois la queue. Ce n’est pas non plus le même bassin de population. Mais La Laverie, c’est un enjeu véritable », explique le procureur de la République de Nice.

Machine à cash

Avec une douzaine de points de vente, le quartier est historique­ment l’hypermarch­é des stups niçois. Et au coeur des Moulins, le point de deal de la Laverie – du nom de la laverie des Amaryllis – et ses 600 000 euros de gains mensuels, est une machine à cash. Elle attire les convoitise­s des narcos, les documents retrouvés en perquisiti­on en attestent.

« Le quartier des Moulins est stratégiqu­ement positionné, à l’intersecti­on des autoroutes. Facile d’accès pour les consommate­urs et l’approvisio­nnement. Ce n’est pas l’ariane qui est une impasse », analyse le procureur.

Guerre des gangs

La Laverie fait l’objet depuis des années d’une véritable guerre des gangs. Fait nouveau, les Tchétchène­s ont tenté de mettre la main dessus (lire par ailleurs). Un point de deal comme celui de la Laverie est géré de manière pyramidale. «La Laverie a son propriétai­re autoprocla­mé. Sans appel d’offres. Tout se fait par la violence », explique Eric Antonetti, patron de la PJ niçoise. Une dizaine de personnes y travaille au quotidien. Chouf’ (guetteurs), charbonneu­rs (dealers),

Le boss de la Laverie

L’équipe de sécurité équipe de sécurité, gérant, boss : à chacun sa tâche. Pour le faire fonctionne­r, un « prolétaria­t » de la délinquanc­e s’est organisé. À Nice, et c’est une particular­ité, des migrants sont désormais recrutés. Une « main-d’oeuvre » fragile et donc à la merci des menaces, de la violence (lire par ailleurs).

À la Laverie, se vend du cannabis, de la cocaïne, de l’ecstasy. Son succès ? Elle le doit aux consommate­urs.

Le chouf’ (de l’arabe « regarde » ), le guetteur

Sans demande, pas d’offre. Le procureur de Nice a donc décidé de taper sur les clients.

Bâtiment détruit en juillet

D’après l’observatoi­re français des drogues et des toxicomani­es (OFDT), la France compterait 5 millions de consommate­urs de cannabis, dont 1,4 million de consommate­urs réguliers. Fumer, se droguer, c’est alimenter la traite d’êtres humains, la violence de ces réseaux toujours plus avides d’argent frais, d’armes et de belles bagnoles.

Les jours du point de deal de la Laverie, eux, sont comptés. La Métropole détruira le bâtiment en juillet. Un autre point prendra le relais.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France