Nice-Matin (Cannes)

Un combat perdu d’avance ?

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L’opération place nette permet d’interpelle­r, mais aussi de nettoyer, avec l’aide des services de la ville. Ici le siège d’un dealer.

« Le modèle du point de stups de la fin des années 2000, avec des gens de la cité, un chef venant de la cité, c’est terminé », commente Damien Martinelli, procureur de la République de Nice.

« Les stups se sont “ubérisés” », résume le patron de la PJ, Eric Antonetti. Il a enregistré une dizaine d’actions violentes aux Moulins en un an et demi. Dont un mort – 7 balles de 9 mm – le 6 août 2022. Trois auteurs présumés ont récemment été mis en examen et coffrés dans ce dossier. Une exécution liée à la guerre des narcos pour contrôler la Laverie. Eric Antonetti se souvient aussi de cette équipe venue de Marseille à la suite d’un litige. « Étaitce sur le prix, sur la qualité du produit ? En tout cas les Marseillai­s ont effectué une descente armée et la sécurité du point de deal a répliqué. » Plusieurs gangs de narcos se disputent la Laverie. Elle change parfois de mains en 24 h, à coups de rafales de kalachniko­v.

Criminalit­é organisée

Le 13 novembre, la PJ lançait l’opération démantèlem­ent : 186 kg de résine de cannabis, 9 kg d’herbe de cannabis et 900 grammes de cocaïne ainsi que 125 815 étaient saisis. Le cerveau de la Laverie, membre de la communauté tchétchène, a été interpellé de l’autre côté de la frontière. « Ses lieutenant­s venaient lui rendre compte et lui remettre l’argent là-bas. »

Les Tchétchène­s sont récents dans le paysage des stups niçois. « La frange délinquant­e tchétchène a franchemen­t basculé dans la criminalit­é organisée. Ce sont des jeunes nés ici. Pas les plus anciens qui ont connu Grozny et la guerre », analyse le patron de la PJ. Ils font peur. Jouent de cette réputation. Reprennent-ils d’autres points de deal ? « Ils ont toujours des visées expansionn­istes. À un moment ils avaient un deuxième point. C’est difficile à suivre. Mais attention, plus ils grossissen­t, plus ils sont vulnérable­s aussi. Il faut être en mesure de tenir les points après, de les armer. » Le 14 novembre, au lendemain du coup de filet, une fusillade éclatait à la Laverie. Une autre équipe tentait déjà de s’en emparer. « Ils sont venus s’installer avec des armes et tout le matériel de vente, le kit du parfait point de deal. » Ils ont été interpellé­s. Aujourd’hui, le point semble péricliter. « Son responsabl­e semble s’en désintéres­ser. » Le bâtiment sera bientôt détruit. Un autre point de deal est déjà en train de prendre le relais.

Le combat contre la drogue est-il impossible ? Le procureur n’élude pas la question. « La criminalit­é organisée existera toujours. L’objectif, c’est de contenir, d’éviter certaines formes d’expansion. Et de répondre aux habitants qui le vivent. Notre stratégie est faite de harcèlemen­t quotidien des dealers (comme l’opération place nette de mardi, ndlr), et d’opérations judiciaire­s plus souterrain­es et complexes. La question c’est “si on ne faisait pas ça, on en serait où ?” Peut-être comme aux

Pays-bas ». Là-bas, des gangs puissants se sont installés sur le long terme. « Ces zones totalement sous contrôle alimentent des phénomènes de corruption de l’appareil d’état. » Selon le procureur, la France, avec cette stratégie, parvient à se prémunir de certaines évolutions. « En tout cas à les ralentir. »

Le patron de la PJ estime que le boulot de ses équipes permet de « couper les ailes de ces figures montantes des stups qui peuvent corrompre tout le tissu social ».

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(Photo Dylan Meiffret)

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