Blanchiment : cash et grosses bagnoles
Le charbonneur
Un des axes de travail de la justice, sur le point de deal de la Laverie, a été de remonter le réseau de blanchiment de l’argent de la drogue.
Près de 126 000 deux montres de luxe, quatorze véhicules, dont deux de grosse cylindrée, ont été saisis. « Nous avons cherché à comprendre comment l’argent sortait de la cité. »
Les notaires mettent le verrou
Parfois des banquiers occultes, baptisés « saraf » (agent de change en arabe), sont recrutés. « Sur l’argent que rapporte la Laverie, il faut compter la paye et le coût de la marchandise », analyse le patron de la PJ. « Certains ont aussi des profils de flambeurs. D’autres, beaucoup plus discrets, des long-termistes, investissent à gauche et à droite. »
Le Groupe interministériel de recherches (police, gendarmerie, douanes, impôts), travaillant sur commission rogatoire, a remonté la piste de l’argent. « Les véhicules sont achetés à l’étranger en liquide, commente Eric Antonetti, puis revendus sur le territoire français avec parfois des fraudes à la TVA. Les voitures, qui donnent un sentiment de richesse, ça leur plaît, ils maîtrisent. C’est du blanchiment d’appétence. »
Les narcos investissent aussi dans le commerce ou l’immobilier local. « Ils établissent de fausses fiches de paye pour effectuer des crédits et acheter un bien. Ce dernier va être en partie financé par les loyers. L’argent des stups va permettre de réaliser tout ce qui fait qu’un particulier ne va pas se lancer dans ce type d’investissement : financer les travaux, les problèmes, les impayés, les vacances de logement. » Mais ce blanchiment se heurte aux verrous des notaires. « C’est pour cela qu’ils s’orientent vers des choses à leur portée, comme les voitures. »
Le procureur, Damien Martinelli, a décidé de s’en prendre aussi aux consommateurs.
« Dans la stratégie globale que nous menons, nous n’oublions pas que si l’offre est là, c’est qu’il y a la demande », commente le procureur de la République. « Il faut articuler tous les niveaux, harceler les guetteurs, les revendeurs, démanteler avec des enquêtes comme celle qui a abouti en novembre, mais aussi s’en prendre aux consommateurs. »
Depuis son arrivée, le procureur de la République met l’accent sur ce dernier point. Il coordonne ainsi régulièrement des opérations de contrôle des accès autour du point de deal de la Laverie et des autres spots niçois. L’idée : si des consommateurs viennent, ils conduisent potentiellement sous stupéfiants. « C’est un message adressé contre la consommation. En 2022, nous avions relevé 640 conduites sous stupéfiants. En 2023, nous en avons réalisé 831. L’objectif est d’en faire encore plus. C’est un axe essentiel : cela touche directement au portefeuille avec les amendes, mais aussi aux permis de conduire. Cet axe de lutte fait particulièrement réfléchir. »
En risquant de perdre leur permis en allant s’acheter un joint, les consommateurs encourent également le risque de perdre leur emploi. Les réseaux ont depuis quelques années développé une parade avec le « Uber shit ». Des livraisons à domicile, après des annonces postées sur les réseaux sociaux.