Nice-Matin (Cannes)

Le passeur mentonnais s’enfuit au moment de son jugement

Un prévenu a été condamné à 30 mois de prison ferme pour avoir entassé douze migrants dans un fourgon et pris tous les risques pour échapper à la police. Il s’est carapaté pendant le délibéré.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Les faits remontent au 16 mai 2023. Un fourgon Citroën Jumpy est repéré par des policiers sur l’a8. Le conducteur prend des risques insensés pour leur échapper, quitte à rouler à tombeau ouvert à contresens. À l’intérieur, douze candidats à l’exil ont été entassés dans le véhicule, chargés à Vintimille.

Mohamed El Orf, le chauffeur, sera interpellé sur son lieu de travail, un mois plus tard, par les enquêteurs. Contre l’avis du parquet, alors que le suspect niait faroucheme­nt son implicatio­n, il avait été remis en liberté avant sa comparutio­n ce mercredi après-midi devant le tribunal correction­nel de Nice.

« J’étais dans une période difficile »

Le prévenu est poursuivi pour avoir transporté dans des conditions indignes des étrangers qu’il a ensuite aidés à entrer illégaleme­nt sur le territoire français. Il est également jugé pour un refus d’obtempérer. Enfin, il était au volant alors qu’il n’a jamais eu de permis de conduire. « Reconnaiss­ez-vous les faits ? », lui demande en préambule le président Alain Chemama. « Oui », répond contre toute attente Mohamed El Or. « C’est un virage à 180 degrés ,remarque le président. Quel était le nombre de migrants ? » Le prévenu affirme ne pas les avoir vus alors qu’une Tunisienne, qui faisait partie des passagers, dit qu’il l’a démarchée. Un Égyptien confie avoir payé 250 euros pour traverser la frontière dont 50 pour le rabatteur. « J’étais dans une période difficile, plaide le prévenu. On est venu me solliciter pour faire le conducteur moyennant 1 000 euros. À Vintimille, je devais garer le camion et repartir. Plus jamais je ne le ferai, même si on me propose des dizaines de milliers d’euros ».

« Comme du bétail »

Damien Martinelli, le procureur de la République, reste insensible aux aveux tardifs du prévenu : « Ce dossier d’aide à l’entrée se distingue par des conditions de transport incompatib­les avec la dignité humaine. On est loin d’un rôle secondaire. Monsieur charge le fourgon à bloc. On rajoute un de plus (ça fait 100 euros de plus). Il traite des personnes comme du bétail. S’il part en tonneaux, cela fait quatre ou cinq morts ! », s’indigne le magistrat.

Trois ans de prison, dont un an avec sursis probatoire, sont requis. En défense, Me Pascal De Souza conteste «leprocèsen­insincérit­é », contre son client : «Il n’est pas l’instigateu­r, il n’a pas de véhicule. Certes, les faits sont graves mais il y a une prise de conscience et aucun risque de réitératio­n pour cet homme qui a toujours travaillé. »

Le procureur avait demandé une peine à la hauteur de la gravité des délits. Le tribunal a infligé à Mohamed El Orf deux ans de prison ferme pour l’aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulièr­e

auxquels s’ajoutent six mois de prison pour le refus d’obtempérer. Le prévenu a profité du délibéré pour ne pas revenir devant ses juges. Un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. Kevin G, 19 ans, poursuivi pour complicité

pour avoir fourni le fourgon volé, inconnu de la justice au moment des faits, n’est pas venu à son procès. Il est condamné à un an de prison avec sursis.

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(Photo C. C.) Le prévenu s’est éclipsé au moment où le tribunal a rendu son jugement. Il a trente mois de prison à effectuer.

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