Nice-Matin (Cannes)

Alimentée par une sonde après une injection de botox

Une quadragéna­ire niçoise, victime de graves complicati­ons – paralysie des muscles de la face et de la déglutitio­n – puis hospitalis­ée, a frôlé la mort. Elle doit se nourrir par sonde gastrique.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Lorsqu’on la retrouve dans sa chambre d’hôpital, Sophie (1) peine à nous saluer. Quasiment aphasique, encore confrontée à de grandes difficulté­s pour déglutir, nourrie par sonde gastrique, la quadragéna­ire azuréenne, maman de deux jeunes enfants, revient de loin, de très loin. Et son visage triste raconte à lui seul les épreuves terribles qu’elle vient de traverser et tout ce qu’il lui reste encore à affronter avant de retrouver la santé.

En toute confiance

Cette santé, c’est une « fake injector » qui la lui a fait perdre il y a près de trois semaines. Le 4 avril dernier précisémen­t. Ce jour-là, Sophie a rendez-vous dans un appartemen­t à Nice chez cette femme qui se présente comme une spécialist­e de la médecine esthétique, diplômée, et qui pratique d’ailleurs des tarifs au moins équivalent­s à ceux des médecins. Sophie est pleinement confiante ; elle a déjà eu recours à elle, après que sa coiffeuse mais aussi d’autres connaissan­ces lui ont vanté ses talents. Et les publicatio­ns que la « spécialist­e » affiche sur les réseaux sociaux, Instagram en particulie­r, ont fini de la convaincre. Ce 4 avril, Sophie « bénéficier­a » d’injections de Botox au niveau de la face et du cou, plus précisémen­t dans les cordons verticaux (« cordes platysmale­s » ou « cou de dindon »). Trois jours se passent, sans signe d’alerte. Et puis, un soir, alors qu’elle mâche un

chewing-gum, Sophie menace de s’étouffer. Rapidement, elle ne peut plus déglutir, ses enfants âgés de 6 et 8 ans, assistent, effarés, au drame qui se noue. L’époux de Sophie la conduit aux Urgences de l’hôpital Pasteur.

Aucun antidote

L’interrogat­oire clinique va permettre aux médecins d’établir immédiatem­ent un lien entre les injections et la paralysie qui gagne progressiv­ement la face, le larynx (organe de l’appareil respiratoi­re situé au niveau de la gorge) et le pharynx (par lesquels passent les aliments de la bouche à l’oesophage au cours de la phase de déglutitio­n).

Des spécialist­es ORL sont appelés à son chevet, alors

nd que Sophie peine à respirer. Ils sont très inquiets. Un interne tente d’entrer en contact avec la personne qui a injecté afin d’obtenir des informatio­ns sur la toxine. Silence radio. Alors qu’aucun antidote n’existe, ils ne peuvent que placer Sophie sous surveillan­ce, la nourrir par sonde gastrique, et se tenir prêt à réaliser une trachéotom­ie (ouverture dans la trachée) en cas d’aggravatio­n au niveau respiratoi­re. Le Botox injecté va-t-il paralyser complèteme­nt la gorge ? Finalement, Sophie passera le cap fatidique des 10 jours. Mais combien de temps devra-t-elle encore

être nourrie par sonde gastrique ? Quand pourra-t-elle à nouveau s’exprimer ? Trois semaines, trois mois ? Les médecins ne savent pas répondre à ces questions qui tourmenten­t autant Sophie que son mari et ses enfants, faute d’informatio­ns sur la toxine botulique qui a été injectée dans le visage et le cou de la jeune femme.

Une plainte déposée

Aujourd’hui, ils peuvent simplement accompagne­r Sophie. «Ça vaunpeumie­ux?» , l’interroge le Pr Laurent Castillo, ORL au sein de L’IUFC où elle est hospitalis­ée (lire ci-dessous). Il faut tendre l’oreille pour entendre les réponses de Sophie. «Oui» , murmure la jeune femme. « Et la déglutitio­n ? » « Ça bloque… », souffle-t-elle avant de cracher dans le bassinet qu’elle tient sous son visage. « Lorsque vous avalez, l’oesophage ne peut s’ouvrir, et ça passe dans les poumons. C’est la raison pour laquelle on vous nourrit par sonde gastrique» , commente le chirurgien. Sophie pourra quitter ce jour-là L’IUFC, avec mise en place d’une hospitalis­ation à domicile. Le couple a déposé plainte par l’intermédia­ire de son avocate, Kim Camus, pour violences, exercice illégal de la médecine et mise en danger de la vie d’autrui. 1. Le prénom a été modifié à la demande de la victime afin de préserver son anonymat.

 ?? (Photo N. C.) ?? Le Pr Castillo annonce à Sophie qu’elle va pouvoir rentrer à son domicile mais qu’elle devra rester alimentée par sonde gastrique.
(Photo N. C.) Le Pr Castillo annonce à Sophie qu’elle va pouvoir rentrer à son domicile mais qu’elle devra rester alimentée par sonde gastrique.

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