Nice-Matin (Cannes)

« Les complicati­ons graves sont toujours le fait de non-médecins »

Laurent Castillo, ORL - chirurgien à L’IUFC (Institut Universita­ire de la face et du cou)

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Le Pr Laurent Castillo est viceprésid­ent du conseil médical de L’IUFC (Institut Universita­ire de la Face et du Cou) à Nice. Il a répondu à nos questions.

Que s’est-il produit ?

La patiente présente plusieurs complicati­ons graves suite à des injections de Botox par l’une de ces pseudo-spécialist­es («fake injectors ») qui n’ont en réalité aucun diplôme et s’adonnent à des injections qui peuvent virer au drame. Sophie souffre de diplégie faciale (paralysie bilatérale) ; elle ne bouge plus le visage, ne peut plus ouvrir les yeux… Mais, plus grave, la toxine a diffusé aux muscles du pharynx et au départ du larynx ; elle ne peut plus déglutir et on a dû mettre en place une sonde gastrique.

Qu’est ce qui a provoqué ces complicati­ons ?

Normalemen­t, on injecte les muscles sous la peau ; dans le cas de Sophie, la toxine a probableme­nt été injectée plus profondéme­nt. Elle a diffusé dans les muscles du larynx et du pharynx et les a paralysés. Par ailleurs, après les injections, la « fake injector » a massé le visage, ce qu’il ne faut absolument pas faire, au risque de favoriser la diffusion de la toxine.

Quelles suites pour Sophie ?

On a eu très peur de devoir poser une canule de trachéotom­ie, Sophie ayant présenté une gêne respiratoi­re. Là, on est rassurés, puisque le cap où ça s’aggrave est passé. Elle devrait récupérer, la toxine ayant un effet transitoir­e, mais on ne sait pas à quelle vitesse. Beaucoup de questions restent sans réponse : avec quel type de toxine a-t-elle été injectée ? À quel dosage ? etc.

Peut-être faut-il rappeler qui peut injecter de la toxine ?

Toute interventi­on au cours de laquelle on traverse la peau relève de la médecine, du fait des risques de complicati­ons, qu’il faut être en capacité de gérer. Ça demande une connaissan­ce anatomique, technique… Les complicati­ons graves sont toujours le fait de non-médecins parce qu’ils ne savent pas les prendre en charge. Concernant le botox spécifique­ment, seuls les spécialist­es de la chirurgie plastique reconstruc­trice et esthétique, les chirurgien­s de la tête et du cou, les ophtalmolo­gues et les dermatolog­ues, sont habilités à réaliser des injections de toxine botulique.

Quid de la demande ?

Les selfies ont provoqué une explosion de la demande en médecine esthétique, notamment parmi les jeunes ; des jeunes filles dès l’âge de 18 ans réclament des injections dans les lèvres, les pommettes… et sont des proies faciles pour tous les « fake injectors ».

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