Nice-Matin (Cannes)

Mystères autour du disparu du lac de Sainte-croix

Depuis le 18 décembre 2023, Sylvain Ravat, 47 ans, n’a plus donné signe de vie, et aucun appel à témoins n’a été diffusé par la gendarmeri­e. Ses enfants déplorent un étrange silence.

- Termine Alexandra. PEGGY POLETTO ppoletto@nicematin.fr

O «n est très en colère d’avoir été totalement mis de côté. On a été écartés, jamais auditionné­s. Nous sommes quoi ? Nous sommes transparen­ts pour la justice et les enquêteurs ? » Oriane (25 ans), son frère Mathieu (23 ans) et leur petit frère Anthony (17 ans) n’ont plus de nouvelles de leur père, Sylvain Ravat. Cet habitant de La Motte, dans le Var, a disparu il y a près de cinq mois et une enquête pour disparitio­n inquiétant­e a été ouverte par le parquet de Draguignan (qui n’a pas répondu à nos sollicitat­ions). Pour des raisons inconnues, aucun appel à témoins officiel n’a été lancé par la gendarmeri­e nationale, comme il est d’usage de le faire. « Comme si notre père n’existait pas », déplorent ses jeunes enfants.

Aucun appel à témoins officiel

Seule l’associatio­n Assistance et recherche des personnes disparues (ARPD) a consacré un appel à témoins détaillé sur les réseaux sociaux : « Toute personne ayant croisé Sylvain Ravat, 47 ans, cheveux noirs, 1,68 m, de corpulence moyenne, portant un grain de beauté sur la joue gauche, avec une tenue jeans bleu, blouson noir avec de la fourrure autour et des baskets, peut contacter l’associatio­n au 06 88 89 56 26 (anonymat respecté) ou contacter la gendarmeri­e la plus proche. »

Ce silence est une torture

À plus de 800 km du domicile de leur père à La Motte, la fratrie, domiciliée en Bourgogne, ne comprend pas cette mise à l’écart. Pas plus que leur mère Alexandra, divorcée de son ex-mari avec lequel elle entretenai­t de bons rapports. Ils savent simplement qu’une enquête pour disparitio­n inquiétant­e est ouverte. Point.

« Imaginez que j’ai contacté il y a quelques jours encore les services de gendarmeri­e pour avoir des renseignem­ents, ils m’ont demandé de quoi je leur parlais ! On m’a répondu : ‘‘On vous rappelle.’’ J’attends depuis quinze jours... Nous vivons cette situation depuis décembre. Ce silence est une torture. Que

dire à mes enfants ? » Alexandra est en contact avec des proches et des collègues de travail, « personne n’a été entendu. Aucune investigat­ion n’a été faite dans son appartemen­t, ni dans la voiture - une Audi grise -, qui a été trouvée sur le bord du lac. Ni sur les achats qu’il aurait faits en espèces. »

Disparitio­n déclarée par la compagne

Selon Sabrina, la compagne de Sylvain depuis plus de dix ans, ce dernier est allé travailler au Muy, où il a commencé sa journée à 5 heures et jusqu’à 14 heures. « Nous avons chacun notre appartemen­t. Je ne sais pas ce qu’il a fait après son travail. J’ai pensé qu’il avait pu s’endormir. Le lendemain, le mardi, il devait débuter à 13 h 30 et ses collègues étaient étonnés de son retard. »

Le quadragéna­ire ne répond pas au téléphone et son véhicule n’est pas stationné devant son logement. Une première alerte est faite auprès de la gendarmeri­e du Muy. Le lendemain, le mercredi, Sabrina reçoit un appel troublant. Il s’agit d’un responsabl­e du camping municipal des Ruisses, aux Salles-sur-verdon, près du lac de Sainte-croix.

Un véhicule gris de marque Audi est mal stationné et, à l’intérieur, se trouve le numéro de la compagne. Mais nulle trace de Sylvain Ravat.

Des recherches commencent

Les gendarmes se déplacent alors sur les lieux et des recherches sont lancées le jeudi suivant la disparitio­n. Comme une sorte de jeu de pistes, les enquêteurs découvrent près du lac, sous un rocher, un sac de protection d’un paddle, une sacoche vide, des clefs. Dans le véhicule, sa compagne découvre le portefeuil­le du disparu avec une carte Vitale et des tickets de caisse. L’homme a gardé, avec précaution, les preuves d’achat en liquide d’un paddle gonflable au Decathlon de Fréjus, d’un balai à poils longs et une bouteille de whisky à Aups. Une bien curieuse liste de courses.

Ce jeudi 21 décembre, sous le vent et la pluie, d’importants moyens sont déployés par la gendarmeri­e pour retrouver Sylvain Ravat : de la recherche pédestre aux plongeurs, en passant par la brigade cynophile, les drones et les hélicoptèr­es. Mais les investigat­ions restent vaines dans le secteur varois du lac artificiel qui s’étend sur 11 km.

Le paddle (ré)apparaît...

Selon nos informatio­ns, outre l’armée, des proches ou des habitants du secteur vont participer à des battues. Le fils de la compagne et des amis se dirigent vers la fameuse plage, à bord d’une embarcatio­n, face au camping, dans le départemen­t voisin, du côté de Moustiers-sainte-marie.

Ils font une découverte surprenant­e : le paddle est trouvé en bon état, bloqué contre un arbre. À un kilomètre, les bénévoles mettent la main sur le balai. Il est posé contre la berge, hors d’eau, en amont du paddle. Mais où est Sylvain ? Que lui est-il arrivé ? Est-il imaginable qu’il soit allé pratiquer une activité nautique par mauvais temps, sans combinaiso­n ?

« Il n’allait pas bien »

À des centaines de kilomètres, les enfants de Sylvain Ravat vont découvrir l’impensable. « Le 19 décembre, j’ai reçu un appel de la fille et du fils de Sabrina qui me disaient ne pas savoir où était mon père. »

Quelques jours auparavant, le père de famille a transféré une somme d’argent à son ex-épouse. « Le 18 décembre, c’était mon anniversai­re, explique Alexandra. Je m’en veux de ne pas l’avoir appelé immédiatem­ent. »

Elle le décrit comme mal dans sa peau, consommant trop d’alcool, obsédé par le réchauffem­ent climatique... « Il n’allait pas bien. Je lui ai même proposé de venir en Dordogne. » Une situation corroborée par ses trois enfants avec lesquels il était en contact régulier via une messagerie de discussion. Anthony, le benjamin, se souvient des dernières vacances d’été 2023 dans le Var. Timide, réservé, le jeune garçon avoue que les rapports avec son papa étaient devenus plus compliqués. « J’essayais de l’éviter... »

La version d’une dépression ou de problèmes liés à la consommati­on d’alcool, sa compagne ne veut pas en entendre parler. « Il est soigné pour des problèmes de tension artérielle ! » Lorsque la famille de Sylvain Ravat s’est rendue à son appartemen­t dans le Var, il a fallu passer par la gendarmeri­e pour récupérer les clefs. « Disons que sa compagne refusait de me les donner. » À l’intérieur, sa fille s’aperçoit que des photos ont disparu. Des affaires personnell­es aussi.

Il avait créé des cachettes secrètes pour les enfants où il déposait de l’argent. « Il était très méfiant avec les banques. Mais là, tout avait disparu, y compris sa console de jeux », commente sa fille aînée. Selon Alexandra, il avait une cagnotte en pièces de deux euros, d’au moins deux mille euros, en prévision d’un voyage au Canada.

Du paddle avec... un balai sur le lac

D’autres éléments perturbent les proches du disparu. « En plein mois de décembre, il serait allé faire du paddle (il n’en a jamais fait selon ses proches), sur ce lac, avec un balai en guise de pagaie ? C’est à peine croyable ! », commente Alexandra.

Pour sa compagne, il aurait tenté de rejoindre l’autre rive, « une plage située face au camping (côté Alpes-dehaute-provence). C’était un endroit où nous rêvions d’aller chaque été. »

Les gendarmes vont écarter cette option. Impensable ou irréalisab­le ? Impossible d’avoir des réponses à ces questions en l’absence de réponses du procureur de la République de Draguignan.

Même son de cloche du côté de la gendarmeri­e nationale où la réponse est toujours la même : « L’enquête est en cours. » À force d’insistance, nous avons appris qu’un sonar ultra-perfection­né unique en France doit intervenir pour fouiller le lac. Dans quel délai ? Mystère...

Que s’est-il passé ?

Suicide, accident, fuite volontaire ou interventi­on d’un tiers, la disparitio­n de Sylvain Ravat est loin d’avoir livré tous ses mystères.

« Je le vis très mal. Mes enfants gardent espoir », confie Alexandra qui connaît son ex-époux depuis l’enfance. Des médiums l’ont contacté. « Évidemment, on se raccroche, par espoir, à ces recherches. J’ai pensé qu’il aurait pu aller se retirer dans une communauté, mais il n’aurait jamais pu rompre ainsi avec ses enfants. Je me fais mille scénarios dans ma tête. C’est très compliqué à vivre, et personne ne prend le temps d’expliquer ce qu’il se passe à mes enfants du côté des recherches »,

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Le véhicule du disparu a été retrouvé stationné à proximité du camping municipal des Salles-sur-verdon.
(Photos Var-matin et DR) nd Le véhicule du disparu a été retrouvé stationné à proximité du camping municipal des Salles-sur-verdon.

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