Ce Cannois présente son film sur Michel Legrand au Festival
Ancien balayeur aux abords du Palais, David Hertzog, aujourd’hui producteur, présente au Festival de Cannes son film sur les deux dernières années du compositeur Michel Legrand.
Sa propre histoire est un film dans le film. Mériterait un scénario, voire un « makingof» , comme il en a désormais l’habitude d’en produire et réaliser. Ancien employé municipal au balayage des rues (notamment aux abords du Palais) à Cannes, David Hertzog revient comme auteur d’un magnifique documentaire sur Michel Legrand, projeté en avant-première au Festival du film !
Un rêve éveillé. Une « success story » à l’américaine, qui n’a pourtant pas débuté sous les meilleurs auspices. Enfant de La Bocca, David n’était pas premier de classe au collège de Ranguin, même s’il a pris le nom de Gérard Philipe.
« L’école, ce n’était pas trop mon truc, je n’étais pas turbulent, mais je n’y trouvais pas l’appétit pour apprendre… », confie le quasiquinquagénaire.
À défaut des devoirs, le petit David aiguise sa curiosité à travers les arts. Avec le violon dès 7 ans pour sa corde sensible. Et puis le cinéma, qu’il découvre d’abord en étant ébloui par ses stars, avant d’en être ravi par ses images.
« Pendant le Festival, ma mère m’emmenait sur la Croisette, où l’on croisait encore Kirk Douglas, Robert Mitchum. Avant même de voir des films, j’ai compris que le cinéma avait ce côté glamour, plus grand que la vie ! »
Il fréquente aussi le côté obscur de la force en salle avec L’empire contre-attaque, et se marre avec Le
Père Noël est une ordure. Mais le destin l’est aussi, parfois et, à 20 ans, c’est le drame et les larmes, avec la disparition de sa mère.
« Ça a été très dur, car je vivais seul avec elle. Mais ce fut aussi un déclencheur dans ma vie à venir… » Une perte douloureuse. Mais le début d’une envie ambitieuse.
Pour subvenir à ses besoins, David hérite du poste d’employé municipal de sa maman. Affecté
au service nettoyage, le jeune homme balaie tous les pourtours du Palais. Mais il parvient aussi à en pénétrer les ors durant le Festival, via des copains « ouvreurs ». « Je me dépêchais de finir ma tournée balai. Au sous-sol, un sac avec un costume de prêt et des chaussures, m’attendait. On me faisait entrer en douce dans le Grand Auditorium, juste avant la projo. C’est ainsi que j’ai vu Pulp Fiction, assis à quelques sièges de Clint
Eastwood ! », sourit-il. Forcément, le désir de cinéma, le souhait de participer à ce mondelà le taraude. Avec cette scène, aussi réelle qu’incroyable.
« Un soir, dans ma tenue de balayeur, je suis monté sur le tapis rouge, pour me figurer le point de vue des stars. Au sommet des marches, je me suis soudain allongé, bras en croix, les yeux vers les étoiles, en me disant : un jour, je reviendrai avec mon film ! »
David investit le faible pécule lié au décès maternel (environ 10 000 ) dans une caméra, et un banc de montage. Part en autodidacte aux USA, pour filmer les fans de Star Wars, lors de la sortie tant attendue de La menace fantôme en 1999. Écume toutes les boîtes de prod’, avant que son premier doc’, réalisé au forceps, ne soit consacré sur une chaîne. David se gave alors de K7 vidéo et devient, à l’instar d’un Laurent Bouzereau Outre-atlantique, un spécialiste des making-of en France. On lui doit notamment les coulisses du tournage de Belphégor avec Sophie Marceau, des Chevaliers du ciel (avec Clovis Cornillac et Benoît Magimel) pour de Joyeux Noël de Christian Carion, qui ont nourri les bonus des CD et cassettes.
Et puis, il y a cette rencontre avec Michel Legrand en 2017, évidemment à Cannes (voir encadré cidessous). Une confiance réciproque, qui aboutit à un superbe documentaire sur le compositeur à son crépuscule qui retrouve la lumière au gré d’une projection au Festival. « Quand mon producteur Thierry Clermont-tonnerre me l’a annoncé, j’ai pleuré comme un môme…, s’émeut encore David. Quand on tournait, Michel me disait toujours : on va aller à Cannes ? Mine de rien, je l’y emmène avec moi… » (1) Il était une fois Michel Legrand, projeté samedi 18 mai dans la sélection « Cannes Classics ».