On a fait l’expérience DU CINÉMA IMMERSIF
Explorer le corps humain avec Cate Blanchett, aider des enfants, incarner une héroïne qui découvre le cycle menstruel... Autant d’expériences à vivre dans les oeuvres de la première compétition immersive.
Cinéma immersif. Pour la gamine des années 1980 que j’étais, le sens que pouvait revêtir ce terme avant de pénétrer au Cineum et campus Georges-méliès, où se déroule sur 1 300 m2 la première compétition dédiée à ce genre, s’apparentait peu ou prou à une visite au Futuroscope de Poitiers. Des gros terrifiants rugissant et explosant l’écran, bave incluse. Ou des visites de monuments avec casque 3D à filer le vertige – cette croyance populaire sévit toujours auprès de mes collègues qui m’avaient promis de beaux haut-lecoeur à l’évocation de mon projet d’enchaîner quatre projections immersives. Que nenni ! L’estomac bien accroché et nourri comme à l’approche d’un Vendée Globe – une bonne ration de pâtes complètes/thon/tomates/feta. Colmatons, colmatons –, me voilà prête à découvrir une partie des huit films engagés dans la toute nouvelle « immersive compétition » du Festival de Cannes qui s’est ouverte ce mercredi. Et, dans la sélection, il y a de tout : de la réalité virtuelle dernier cri -- avec casque qui permet de voyager dans plusieurs dimensions – à l’expérience interactive sans équipement (1). Des grands récits et de l’intime.
« Il était une fois la vie » racontée par Cate Blanchett
Affalée dans l’un des coussins géants terriblement confortables, on se prépare à « Evolver » de Barnaby Steel, Ersin Han Ersin, Robin Mcnicholas. Cate Blanchett explique en anglais ce qui nous attend : un voyage dans notre respiration, suivant l’oxygène qui enrichit le sang.
Sa voix nous guide encore quand nous prenons place sur un fauteuil pivotant. On nous équipe d’un casque de réalité virtuelle qui pèse son petit poids. Bim ! Des veines s’éclairent en bleu puis en rouge. On découvre les artères. Pendant 40 minutes, on parcourt le corps humain, la cage thoracique. L’expérience, produite par Terrence Malik est troublante, fascinante. On oublie instantanément la pluie qui tombe dehors, le trajet longuet en navette depuis le centre de Cannes. On est dans le corps humain, assis mais en pleine aventure : c’est « Il était une fois la vie », version stylisée et très intérieure sans prof barbu mais avec le timbre apaisant de l’actrice américaine.
Le cycle menstruel et la pieuvre XXL
Des manettes permettent de contrer les forces obscures
Derrière la cloison, « Maya, naissance d’une super héroïne »de Poulomi Basu et CJ Clarke nous met à la place d’une jeune fille d’origine indienne, à Londres, confrontée à l’arrivée de ses règles. Harcèlement scolaire, diktats et croyances populaires sont balayés dans ce
nd film de 33 minutes où l’on se glisse dans la peau de Maya, comme Alice au pays des merveilles tombe dans un trou noir, des manettes en mains permettant de contrer démons, pieuvre XXL et forces obscures qui viendraient nous assaillir. Et d’attraper un tampon au passage, ça peut toujours servir !
Poésie amoureuse
On rend les équipements pour se diriger, le pas léger, vers le campus. Dans une maxi-salle, est projeté « En amour » des Français Claire B. et Adrien M. Ces artistes, metteurs en scène, dissèquent le sentiment amoureux. En se déplaçant
et en frôlant les écrans, le spectateur peut influer sur les particules lumineuses de l’oeuvre. Une invitation poétique à la danse et au lâcher-prise.
Mais la plus grosse surprise émane de« The Roaming » de Mathieu Pradat. « En cas de problème ou de malaise, levez la main ! » prévient une membre de l’équipe de cette proposition entre cinéma, théâtre immersif et escape game.
Pas hyper rassurant d’autant plus que le casque de réalité virtuelle nous plonge dans un marais, en pleine nuit. Sous nos pieds nus, de la terre. Dans nos oreilles, des bruits étranges. On sursaute en entendant un chien approcher. Il va falloir être un peu plus vaillants pour aider Pearl et David, deux enfants que leur père tortionnaire voudrait capturer. Aidé d’un « Mystic Man » pourtant bien réel, on s’arme de courage dans ce conte merveilleux et inquiétant. 1. « Traversing The Mist » de Tung-yen Chou, « Telos I » de Dorotea Saykaly, Emil Dam Seidel, « Human Violins » de Ioana Mischie et « Noire » de Tania de Montaigne, Stéphane Foenkinos, Pierre-alain Giraud sont aussi en compétition.