Nice-Matin (Cannes)

Claude Lelouch « LE CINÉMA M’A SAUVÉ »

Le réalisateu­r, Palme d’or 1966 avec « Un homme et une femme », est membre du conseil d’administra­tion du Festival de Cannes. Il était ce jeudi à Antibes pour un autre rôle : parrain de l’exposition à l’hôtel du Cap-eden-roc.

- Paris Match AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

Il n’a quasiment jamais raté un Festival. Claude Lelouch, Palme d’or 1966 avec « Un homme et une femme » est encore là. Ni compétitio­n ni séance spéciale cette fois, mais toujours un même lien. Ce jeudi, c’est à quelques encablures de la Croisette qu’il rendait hommage à une autre figure du cinéma : Brigitte Bardot. À l’hôtel du Capeden-roc à Antibes, le réalisateu­r a lancé l’exposition des archives Paris Match consacrée à la star retirée des plateaux mais restée une icône.

Vous êtes le parrain de cette exposition mais vous n’avez pas tourné avec Brigitte Bardot ?

C’est drôle, je l’ai rencontrée à Paris, je m’en rappelle, avec son agent… C’était la période où Brigitte pensait arrêter le cinéma. On voulait faire un film ensemble, j’avais un scénario qui pouvait lui coller mais il n’était pas prêt et puis, les événements ont fait que... Mais j’ai été un témoin de sa vie. Un spectateur d’abord, attentif, quand je l’ai découvert dans ‘‘Et dieu… créa la femme’’, et puis tout au long… Un jour, j’ai présenté ‘‘Un homme et une femme’’ au général de Gaulle et sa femme, à l’élysée, et, à un moment donné, le général a demandé à sa femme : ‘‘Pour toi, c’est quoi la France ?’’ Et elle a répondu : ‘‘Toi et Brigitte Bardot’’. Elle avait raison, à l’époque, 196667, Bardot, c’était le symbole de la France. Les stars, c’est ça, des gens qui représente­nt leur pays. Belmondo, ça a été la France, Catherine Deneuve aussi.

Qui est-ce qui représente­rait la France aujourd’hui ?

Le Président de la République. Macron, quand même, c’est l’image de la France. On a les stars qu’on mérite et les présidents qu’on mérite. La France, je l’aime à la folie. D’ailleurs, le dernier film que je viens de faire, ‘‘Finalement’’, je l’ai tourné entièremen­t en France, c’est un peu un portrait de la France d’aujourd’hui à travers le personnage de Kad Merad qui la traverse.

Il sortira en novembre ?

Le 13. Avec Elsa Zylberstei­n, Françoise Fabian, Sandrine Bonnaire, Clémentine Célarié, Marianne Denicourt, Michel Boujenah…

Il est sous-titré ‘‘Ou la folie des sentiments’’...

À l’âge que j’ai, j’ai essayé de filmer mon intime conviction et, ‘‘finalement’’, j’ai le sentiment qu’on a ce qu’on mérite dans la vie. Même si sur le moment ça fait mal, avec le temps qui passe, ça nous fait du bien à un moment donné. Ce film parle de la santé, un préalable à tout ; de l’amour, récompense ou punition ; de l’amitié, de la famille ; et de l’argent.

À 86 ans, qu’est-ce qui vous a fait du mal pour du bien ensuite ?

J’ai connu la guerre, l’après-guerre… J’ai connu une époque où les gens pleuraient, maintenant ils pleurniche­nt, une époque où ils riaient, maintenant ils ricanent. On est dans une époque incroyable : on a tous les outils pour créer un monde nouveau ou précipiter la fin du monde. C’est important que les gens qui nous dirigent soient un peu plus intelligen­ts que d’habitude. On est sur la crête, ça me fait penser aux années 1938-39, on croyait qu’on allait basculer dans la paix et puis c’est le contraire qui s’est produit. On est dans une époque charnière, tout est possible et j’espère que le positif va l’emporter,

nd car on est quand même dans une époque où les mauvaises nouvelles font plus d’audience que les bonnes. Dès que quelqu’un est en colère, on lui tend un micro.

Vous n’êtes pas en colère ?

Non, parce que je n’en finis pas de m’émerveille­r. Je suis resté un enfant qui s’émerveille à chaque fois que le soleil se lève. Je voudrais protéger ce monde merveilleu­x. On est des enfants gâtés, ce n’est pas pour rien que j’ai fait ‘‘Itinéraire d’un enfant gâté’’ et, comme tous les enfants gâtés, on casse nos jouets.

Votre lien avec le cinéma c’est l’enfance aussi, il est né pas loin d’ici…

Oui, à Nice et autour. Ma mère me cachait dans les cinémas, on était recherchés par la Gestapo et un des rares endroits où on était protégés c’était le cinéma. Et c’est le seul endroit où je restais en place ! J’ai fréquenté les cinémas de Nice, Grenoble, Paris, Lyon, on bougeait beaucoup. Le cinéma, donc, a commencé par me sauver.

Vous avez commencé par le reportage, vous aimez les dispositif­s légers, la caméra à l’épaule, le portable maintenant. Pourquoi le cinéma alors, plutôt que continuer dans le reportage ?

Parce que je me suis aperçu que je n’avais pas d’impact sur les événements, que je ne pouvais pas les modifier et que le cinéma est une machine à rêver. J’avais envie de faire rêver les gens. Ce que j’aimais c’est que les gens sur l’écran étaient les mêmes que dans la rue mais en plus réussis, courageux, intelligen­ts. Je me suis dit : avec la fiction je peux faire rêver, avec l’actualité, on fait peur.

« Bardot, c’était le symbole de la France »

Il paraît que vous n’avez jamais manqué un festival depuis 1966 ?

Pas beaucoup, non ! Et je fais partie du conseil d’administra­tion.

Quel y est votre rôle, d’ailleurs ?

On conseille, on discute avec la présidente [Iris Knobloch, ndlr], avec Thierry Frémaux. Mais les conseils c’est comme les cure-dents, après vous, personne ne s’en servira. (rires) C’est très agréable de participer à ce grand festival, qui découvre les meilleurs films. Puis je renvoie l’ascenseur à ce festival auquel je dois beaucoup : je suis né une deuxième fois à Cannes en 1966 !

 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? Claude Lelouch ce jeudi au vernissage de l’exposition annuelle des archives de Paris Match à l’hôtel du Cap-eden-roc à Antibes, en marge du Festival.
(Photo Patrice Lapoirie) Claude Lelouch ce jeudi au vernissage de l’exposition annuelle des archives de Paris Match à l’hôtel du Cap-eden-roc à Antibes, en marge du Festival.

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