Nice-Matin (Cannes)

La légende de saint Tropez ENTOURÉE DE MYSTÈRES

- ANDRE PEYREGNE magazine@nicematin.fr

Il y a 2 000 ans, selon le mythe, le corps de saint Tropez arriva sur une barque. Cet homme était Caïus Torpetius, un chrétien martyrisé par Néron. Son corps aurait dérivé jusqu’aux rivages d’héracléa, le futur Saint-tropez. Ainsi naquit la légende du saint patron de la ville, célébré chaque année lors des Bravades, comme ce samedi.

Danslanuit­du16au17ma­i de l’an 68, Célerine, qui vivait pauvrement dans un hameau de pêcheurs varois nommé Héracléa, eut un songe : une barque allait s’échouer sur la côte, avec un homme à l’intérieur.

Dès l’aurore, alors que les premiers rayons du soleil faisaient scintiller la mer, Célerine alla sur la plage. Une barque était là. Un homme, en effet, se trouvait à l’intérieur. Il était mort. Son corps était sans tête. Cet homme, sanctifié plus tard, allait donner son nom au port où il avait abordé : Saint-tropez. Depuis, il est toujours célébré au cours de manifestat­ions annuelles appelées Bravades, dont une se déroule ce week-end.

Une barque échouée sur nos rivages ! C’est ainsi, selon la légende, que les corps de sainte Réparate et de sainte Dévote sont aussi arrivés l’une à Nice, l’autre à Monaco (lire encadré).

La tête de saint Tropez vénérée à Pise

À l’origine de la légende de saint Tropez se trouve Caïus Torpetius. Né à Pise, il était chef de la garde personnell­e de l’empereur Néron.

À la suite de l’incendie de Rome allumé par l’empereur devenu fou – mais dont les premiers chrétiens furent accusés d’être responsabl­es –, les disciples du Christ Pierre et Paul furent enfermés. Torpetius fut chargé de surveiller leur cachot. Paul échangea quelques mots avec lui. Il fit passer un message de bonté, de résignatio­n et d’espoir qui finirent par le toucher. Et Torpetius se convertit au christiani­sme. Un jour, Néron décida d’inaugurer, à Pise, un temple à la déesse Diane qu’il considérai­t comme la créatrice du monde. Torpetius était au premier rang. Mais lorsqu’il lui fut demandé de chanter un hymne à Diane, il refusa. Il ne croyait plus qu’en un seul dieu, celui des chrétiens.

Qu’il soit flagellé, ordonna Néron. Torpetius fut donc attaché à une colonne. Mais celle-ci se brisa et, en chutant, fracassa la tête du bourreau.

Qu’on l’envoie aux arènes, décida alors Néron. Devant un public déchaîné, Torpetius fut jeté en pâture aux fauves. Mais un lion et un léopard vinrent se coucher à ses pieds sans le dévorer. Qu’il soit donc décapité. C’était l’ultime solution. Et, en effet, le 29 avril 68, Torpetius fut décapité. Un ami recueillit sa tête. Elle est vénérée jusqu’à aujourd’hui

nd en l’église de Saint-tropez à Pise.

Sur l’eau avec un coq et un chien

Quant à son corps, Néron ordonna qu’il fût mis dans une barque, avec un coq et un chien à bord pour le dépecer. L’esquif fut abandonné au fil du fleuve Arno qui passe par Pise, puis livré aux caprices de la mer. C’est ainsi que le 17 mai, Célerine le retrouva sur nos rivages. La légende se poursuit : le coq s’envola vers l’ouest du golfe de Saint-tropez, avec, dans le bec un brin de lin appartenan­t à la tunique du saint martyr. Là où il se posa fut bâti le village du « coq au lin » : Cogolin. Quant au chien, bien décharné, il disparut vers Grimaud.

Le corps du martyr sera enveloppé dans un linceul, enterré et vénéré. Et c’est ainsi que Caïus Sylvus Torpeteius ou Torpes, sanctifié et francisé en saint Tropez,

devint le protecteur du port varois.

Une autre légende dit que la barque aurait accosté ailleurs…

Bien sûr, toutes les légendes ont leurs variantes. Il en est une qui prétend que la barque aurait accosté… au Portugal, sur la côte à l’ouest de la ville d’evora sur une plage qui est aujourd’hui appelée Sao Torpes. Est-il possible d’imaginer que, partie de Pise, la barque ait pu dériver jusqu’au Portugal, au-delà du détroit de Gibraltar ? Son arrivée à Saint-tropez était déjà miraculeus­e ! En 1873, l’abbé Hippolyte Espitallie­r, curé de Pugetsur-argens et de Gonfaron, vit rouge et publia un livre « Saint Tropez, officier de l’empereur Néron », qui est un pamphlet contre les « prétention­s portugaise­s » à s’attribuer la présence de Sainttrope­z : « L’opinion des Portugais n’a pris naissance qu’au XVE siècle. Si elle avait le moindre fondement, apparaîtra­it-elle après quinze siècles de silence ? Pourquoi dès l’origine de l’église ne voyons-nous pas les habitants du Portugal entourer le saint martyr d’un culte et d’un amour particulie­rs ? Où sont chez eux les églises et les autels élevés en l’honneur de saint Tropez ? Alors que nous n’avons, nous, dès le premier jour jamais cessé de l’honorer… »

Pour ne rien arranger, d’autres historiens ne situent pas l’histoire de Saint-tropez sous Néron mais à la fin du IIIE siècle.

Une preuve convaincan­te aurait pu être la découverte d’ossements du saint. Or, aucun n’a été retrouvé. Des historiens prétendent qu’au VIIIE siècle, à l’arrivée des Sarrazins dans le golfe de Saint-tropez – que le comte de Provence Guillaume Ier chassa héroïqueme­nt en 983 –, le prieur de la cité déplaça les reliques pour les mettre en lieu sûr. Où ? On ne sait.

À l’origine de la légende de saint Tropez se trouve Caïus Torpetius. Né à Pise, il était chef de la garde personnell­e de l’empereur Néron

Et si saint Tropez avait en fait accosté au Portugal, sur une plage qui est aujourd’hui appelée Sao Torpes ?

Les Bravades de Saint-tropez. Ce samedi. Tromblonad­es, poudre à canon, procession dans la ville et messes constituen­t la majeure partie de cette fête traditionn­elle qui a débuté le 16 mai.

 ?? (DR) ?? Décapitati­on de saint Tropez (cathédrale de Pise).
(DR) Décapitati­on de saint Tropez (cathédrale de Pise).

Newspapers in French

Newspapers from France