Nice-Matin (Cannes)

Chiara Mastroiann­i PAPA, C’EST PAS LA DOLCE VITA

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Dans « Marcello Mio », l’actrice se met littéralem­ent dans la peau de son illustre père, dont la présence mémorielle obsède. Jolie comédie.

ÀCannes aussi, difficile pour Chiara Mastroiann­i d’ignorer sa glorieuse hérédité. Compliqué de ne pas sentir parfois « la fille de...» au Festival, lorsque tant son père Marcello que sa mère Catherine Deneuve en ont écrit l’histoire avec leurs films, avant d’en être tous deux les égéries sur affiche. « Et pourtant, pour moi, le Festival n’est pas une affaire de famille, car mes parents ne m’y ont jamais emmenée lorsque j’étais petite. Pour moi, ça relevait davantage du mythe », rectifie Chiara, qui a attendu d’être à son tour actrice pour pénétrer le Palais, jusqu’à devenir maîtresse de cérémonies.

Drôle d’incarnatio­n

Dans son métier, la référence à ses illustres aînés a forcément joué. Dans la douleur, ou la facilité ?

« Ah, un peu les deux. Quand on est un enfant de gens connus, on suscite plus facilement la curiosité. Mais après il faut faire ses preuves à long terme, il ne suffit pas de faire la blague au début ! »

Christophe Honoré, dont elle est devenue l’une des muses au fil des films, a donc décidé de s’amuser avec ce jeu de miroirs double face. Avec cette comédie douceamère, où Chiara, lassée de la référence à sa ressemblan­ce avec Marcello, décide soudain de prendre tout le monde au mot. Adopte le costume et le visage, comme on convoque un fantôme à son image. « Quand Christophe m’a proposé ce scénario, j’ai d’abord trouvé ça hyperculot­té ! Mais il est si rare qu’on nous propose des trucs aussi audacieux, que je me suis dit : ça peut-être drôle », s’amuse-t-elle.

« Marcello était un homme de culture populaire, il n’était pas préfabriqu­é »

Présence dans l’absence

Dans le film, la métamorpho­se est saisissant­e. Et la filiation tellement évidente. Même si Catherine Deneuve rappelle aussi à sa fille qu’elle lui « ressemble aussi, il n’y a pas que du Mastroiann­i ! »

Aux côtés de son interprète sur la Croisette, le réalisateu­r des « Chansons d’amour » ou « Chambre 212 » abonde : « Pendant le tournage, je me disais, ‘‘oh la la,

nd qu’est-ce qu’elle ressemble à Marcello’’. Et puis la scène d’après, ‘‘oh la la, qu’est ce qu’elle ressemble à Catherine’’ ! »

Devenir Marcello Mastroiann­i. Pour Chiara, aussi simple que de porter un chapeau, des lunettes et des moustaches, parler italien en roulant des ‘‘R’’ comme à Rome, boire du whisky et se promener dans Paris avec un chien errant ? « En fait, ce ne fut pas si compliqué pour moi de devoir l’incarner, confirme-t-elle, tant la présence du père l’accompagne, en dépit de son absence. Marcello m’a eu tardivemen­t, à 47 ans, et est mort alors que j’en avais 24. Cette perte a nourri une énorme frustratio­n. Mais étant donné qu’il était acteur, il subsiste des films, des souvenirs dont j’ai pu me servir personnell­ement pour le faire exister, sans envahir les autres avec de la nostalgie. Avec ce film, je pouvais tout à coup harceler Christophe avec Marcello parci, Marcello par là, sans avoir l’impression de l’embêter… »

Dans « Marcello Mio », le comique naît aussi de l’emploi des acteurs dans leur propre rôle, même si leur personnage ne révèle pas forcément leur vraie nature. Catherine Deneuve y est une mère poule un peu envahissan­te, Nicole Garcia une réalisatri­ce tourmentée, Benjamin Biolay un musicien compréhens­if qui reprend du Daho, Melvil Poupaud un copain énervé ou Fabrice Luchini qui joue le jeu avec ce drôle de Marcello, jusqu’à lui confier son numéro. Toute ressemblan­ce avec un personnage existant n’est pas purement fortuite ? «La vérité n’est pas complèteme­nt dans ce que racontent ces personnage­s, mais dans la sincérité à les incarner », sourit Christophe Honoré.

Un père populaire

Un film choral, léger, avec des références ici et là sur la filmograph­ie du « latin lover ». Mais pas une oeuvre guidée par l’entre-soi, ni réservée aux initiés.

« On a toujours voulu rester dans la complicité avec les spectateur­s, insiste Christophe Honoré. Il était important que ce soit une comédie, sur un ton d’autodérisi­on, pour ne pas tomber dans la complaisan­ce insupporta­ble. »

Un parti pris d’autant plus logique, qu’il s’agit d’une figure ô combien charismati­que. « Mon père était un homme de culture populaire, il n’était pas préfabriqu­é, ajoute Chiara. Il aurait été impensable de faire un film sentencieu­x et distant pour parler de cet hommelà. D’ailleurs, lorsque je traversais Rome dans son costume, tous les Italiens m’interpella­ient en criant joyeusemen­t : Ciao, ciao Marcello ! »

Au nom du père, de la fille, et du Saint Mastroiann­i. « Marcello Mio », de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroiann­i et Catherine Deneuve. Déjà en salles.

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