Nice-Matin (Cannes)

«Leroyaume» TRAGÉDIE DANS LE MAQUIS

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr Sortie en salles le 30 octobre.

Julien Colonna, fils d’un parrain du milieu corse décédé en 2006, s’inspire de son vécu pour raconter une relation en pointillé entre une fille et son père, dans un monde où la mort semble inévitable.

C’est l’une des belles surprises de ce Festival. Présenté dans la sélection Un Certain Regard, également en lice pour la Caméra d’or, à laquelle peuvent prétendre tous les premiers films montrés à Cannes, « Le Royaume » a été chaleureus­ement accueilli.

Venu avec une grande partie de son casting, essentiell­ement composé d’acteurs non profession­nels ou méconnus, Julien Colonna s’est appuyé sur Jeanne Herry (« Pupille », « Je verrai toujours vos visages ») pour co-écrire le scénario.

Souvenirs déformés

Celui d’une fiction, même si le fils de Jean-jérôme Colonna, souvent surnommé le « dernier parrain corse » a pioché dans son propre vécu. Et notamment dans un souvenir qui a refait surface quand il a lui-même appris qu’il allait devenir papa. « J’avais 10 ans, j’étais avec mon père et ses amis dans un campement de fortune en bord de mer, sans rien ni personne autour. On péchait, on dormait à la belle étoile. J’ai appris des années plus tard que ce moment avait été un tout autre enjeu pour lui », explique-t-il dans le dossier de presse du film.

Ce camping sauvage, c’était surtout un moyen de fuir des rivaux déterminés à faire la peau à cette figure du milieu.

Relation père-fille en pointillé

À l’écran, on est plongé au milieu des années 1990, le chef de clan se nomme Pierre-paul (incarné par

nd le charismati­que Saveriu Santucci) et il a décidé d’éloigner sa fille, Lesia, une ado de 15 ans au regard pénétrant, afin de la protéger. Un rôle confié à Ghjuvanna Benedetti, assez impression­nante et doté d’une grande présence. Plus âgée dans la réalité et membre d’une famille d’indépendan­tistes, elle a également embrassé cette cause, à travers des actions dans le milieu étudiant à l’université de Corse. Revenons à Lesia. La gamine, couvée par les hommes de main du clan quand elle est de passage, convoyée à moto dans des lieux toujours différents, ressent un grand vide. Pour passer plus de temps avec ce père sur le qui-vive, elle est prête à tout. Se planquer dans un coffre, ou même le regarder faire valser des sangliers, alors qu’elle n’aime pas la chasse. Et puis Lesia essaye de comprendre ce qui se trame, dans quelle mesure le danger se rapproche, pourquoi untel a été abattu froidement.

Un chemin « pavé de drames et de solitude »

Si le film comporte des scènes d’action, il est surtout basé sur ce rapport père-fille effrité par le contexte. Ici, dans le golfe du Valinco, entre le golfe d’ajaccio et l’extrême sud de la Corse, on est bien loin de « Scarface » ou de « Casino ». Rien de glamour ou d’excitant dans le quotidien de ces hors-la-loi planqués dans le maquis, coincés entre la violence, la vengeance et les remords.

« Je souhaitais décrire leurs vies.

Partout dans le monde, une partie de la jeunesse vit dans le fantasme d’une vie facile ou seul l’argent et le pouvoir règnent. Mon film naît aussi de la volonté de montrer que cette voie n’est pavée que de drames et de solitude. [...] », explique Julien Colonna.

Le cinéaste de 42 ans pourrait-il devenir un « allié » des collectifs antimafia, comme le lui ont demandé nos confrères de France 3 Corse Viastella ?

« J’accompagne­rai le film partout où on me le demandera, mais je ne suis pas là pour donner des leçons. Ce que je veux, c’est instiller des pistes de réflexion, et pas apporter des réponses toutes faites. »

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(Photo Frantz Bouton) Saveriu Santucci, Julien Colonna et Ghjuvanna Benedetti.

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