Nice-Matin (Cannes)

Gui Gedda ÉLÈVE LA CUISINE PROVENÇALE AU RANG DE LA GASTRONOMI­E

À 91 ans, le chef borméen fait le point, en 500 recettes, dans son nouveau livre « Une vie frottée d’ail », sur la cuisine de chez nous, d’hier et de demain.

- VALÉRIE PALA vpala@nicematin.fr

On dit de lui qu’il est le pape de la cuisine provençale. C’est à Bormes, dans son jardin, où poussent tous ses aromates, que Gui Gedda, 91 ans nous attend, en tenue de cuisine, tiré à quatre épingles. Cette même terrasse qui accueillit son dernier restaurant Le Jardin de Perlefleur­s, qu’il créa avec son frère dans les années 1990, « sept ans de bonheur ! », se souvient-il. Car pour ce chef, famille et cuisine ont toujours été intimement liés. Dans « Une vie frottée d’ail », son quinzième livre, à paraître le 4 juin, il mélange près de 500 recettes avec des tranches de vie dans ce cocon aimant dans lequel il a grandi, qui nous raconte la Provence d’hier et d’aujourd’hui, la cuisine de Marseille à Nice, il y tient, avec deux grands-mères, l’une Aixoise et l’autre Nissarte. Il y fait le récit de ses premiers pas dans le youpala, dans la cuisine forcément ; ou comment à ses débuts, premier commis de cuisine au Grand hôtel Noailles à Marseille, alors qu’il avait le mal du pays, l’idée de coucher sur le papier les recettes de sa grand-mère Célestine le sauva d’un « cafard monstre ».

Le Pagnol des fourneaux

La « folie d’écrire » comme il l’appelle, l’a même dernièreme­nt poussé à débrancher télévision et radio, pour finir à point ce pavé sur la cuisine provençale. Son deuxième surnom, celui de «Pagnol de la cuisine provençale » s’en trouve une nouvelle fois pleinement justifié. Entre la recette des beignets de pétales de tomates (son légume préféré) et celle du tian de papaye à la carqueiran­naise, on se délecte de sa passion pour les aromates, dont il nous détaille les propriétés, et dont il a tiré avec humour une recette inédite, «la sauce du nonagénair­e aux mille vertus », qui semble fort lui réussir.

Servir Yul Brynner ou Abel Ferrara

Deux pages plus loin, l’acteur Yul Brynner, dont il raconte le passage à Bormes aurait été bien avisé de s’en inspirer. Avec une même modestie, il raconte ceux qui ont pu goûter sa cuisine, de Mylène Demongeot à Abel Ferrara, ou encore son amitié avec le peintre Pierre Le Colas.

Un historien pointu

On voyage avec cette fratrie, réclamée de Cannes à Dubaï. On rit et on s’indigne avec lui sur l’histoire dela « soupe assassinée », celle de l’ancien maire de Nice Jacques Médecin, qui prétendait mettre du céleri dans la soupe au pistou ! On renie avec lui ceux qui aujourd’hui mettent une once de caviar dans la salade niçoise, pour la vendre plus cher. « C’est prendre les gens pour des couillons ! », s’indigne-t-il encore, face à nous. Après avoir essayé sa recette de ratatouill­e, n’importe qui comprendra pourquoi elle se mange avec les légumes bien cuits, et pas al dente, ce qui est « épouvantab­le ». L’homme, pas obtus pour autant, se révèle un historien pointu. On aurait tort d’oublier qu’il fut aussi un novateur. À la fin du livre, les photos parlent d’elles-mêmes, avec Ducasse, Robuchon, Jacques Maximin ou Chibois… ce Borméen d’adoption né dans les quartiers nord de Marseille a su élever la cuisine provençale au rang de la grande gastronomi­e.

Du caviar dans la salade niçoise : « C’est prendre les gens pour des couillons ! »

 ?? ?? > « Une vie frottée d’ail, la cuisine provençale d’hier et de demain », Gui Gedda. Éditions Epure. 608 pages. 42 euros. > Il sera l’invité dimanche 2 juin à 11 h, de l’émission « On va déguster », animée par François Régis-gaudry, sur France Inter.
> « Une vie frottée d’ail, la cuisine provençale d’hier et de demain », Gui Gedda. Éditions Epure. 608 pages. 42 euros. > Il sera l’invité dimanche 2 juin à 11 h, de l’émission « On va déguster », animée par François Régis-gaudry, sur France Inter.
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(Photos Luc Boutria) Gui Gedda, à Bormes.

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