Nice-Matin (Cannes)

Jean Imbert UN CHEF EN... ACTION !

L’ancien vainqueur de Top chef a réouvert La Palme d’or, restaurant gastronomi­que du Martinez, pour ce 77e Festival.

- Clap de faim… et à table ! ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Scène I, intérieur jour. Dans le nouvel écrin de la Palme d’or, le restaurant gastronomi­que du Martinez, Jean Imbert nous reçoit entre deux « coups de feu »… en cuisine. La salle rénovée, décor de bois laqué conçu comme un bateau, se prolonge en terrasse avec vue mer sur la Méditerran­ée. Mais aussi des références au cinéma, que ce cinéphile et son équipe ont dénichées. Entre deux présentoir­s à grandes cuvées, une affiche de Marlon Brando dans « Sur les quais ». Derrière une vitrine, le vrai short de boxeur que portait De Niro, oscarisé dans « Raging Bull ».

« Cette collection, elle doit grandir, d’autres objets vont arriver, précise le chef. Chaque personnali­té qui vient au restaurant pourra signer une affiche ou laisser quelque chose, et dans dix ans, j’espère qu’il n’y aura plus de place ! » Pour les convives, le menu se présente comme un script, avec quelques lignes pour décrire l’ambiance de chaque plat. Conçu aux fourneaux comme sur un plateau. Tout sauf un hasard. Car celui qui a aussi pris le relais de Ducasse au Plaza Athénée de Paris, est épris de 7e art. Une passion qu’il a nourrie évidemment sur la Croisette, durant le Festival de Cannes.

« Depuis mes 15 ans, je n’ai pas raté une seule édition, revendique Jean. J’ai tout fait durant le Festival. Je faisais mon jogging dans la rue, en espérant croiser je ne sais quel réalisateu­r que j’admirais. Je faisais à manger sur des bateaux, et puis je me débrouilla­is pour avoir des places et voir des films. J’ai même eu la chance de monter les marches, mais comme je n’avais pas de noeud papillon, j’étais vite parti en acheter un au kiosque. »

Sa vocation de cuisinier, il la découvre dès ses années collège, durant un stage chez un chef étoilé. Mais son amour du cinéma, il l’a hérité de son père « qui me montrait de vieux films en cassettes vidéo. Des westerns, des péplums… » Quant à sa maman, elle lui a indirectem­ent fait couler ses premières larmes de spectateur. « Elle m’a emmené voir ‘‘L’ours’’ en salle, et j’ai pleuré pendant une heure et demie. Je pleure beaucoup en réalité, car je suis un émotif, un nostalgiqu­e, un mélancoliq­ue aussi. Et un film peut m’habiter très longtemps… »

Son scénario, digne d’une success story à l’américaine, Jean l’a imprimé dès 22 ans avec l’ouverture de son premier restaurant. Et déjà, des vedettes se mêlaient aux assiettes. « C’est vrai, j’ai eu beaucoup de réalisateu­rs, d’acteurs ou d’actrices qui venaient manger à L’acajou. Je me suis lié d’affection, voire d’amitié avec certains, reconnaiti­l, toute modestie gardée. Les gens aiment bien employer le mot ‘‘star’’, mais ça ne veut rien dire. Moi, ce que j’aime chez ces gens-là, c’est qu’ils sont à un niveau d’excellence, avec la volonté d’y parvenir. Je les admire. »

Paul Newman, une fragilité qui lui ressemble

Robert De Niro tient une place à part, en tête de son box-office amical. « Oui, De Niro et Brando, même si je n’ai pas connu ce dernier. J’ai eu la chance que De Niro me fasse confiance, à un moment où je n’étais pas grandchose. Un de mes amis lui avait conseillé mon restaurant. Il a soudain débarqué à minuit et m’a dit : ‘‘Fais-moi ce que tu veux’’. Après ça, il est souvent venu manger, c’est un vrai épicurien. Encore l’an dernier à Cannes, à la sortie de la projection de ‘‘Killers of The Flower Moon’’, on s’est pris une tisane jusqu’au bout de la nuit. De Niro fait le lien avec mon enfance, quand mon père me montrait ‘‘Taxi Driver’’. » Il cite aussi Paul Newman, « parce que j’adore ‘‘Les feux de l’été’’. Il a rencontré sa femme sur le tournage, et l’a gardée avec lui durant toute sa vie. J’aime ses films, j’aime sa fragilité… »

Pour autant, l’ex-gagnant de « Top chef », ultra-médiatisé, ne se compare pas à ces stars. « À 15 ans, quand je veux devenir cuisinier, il n’y avait pas d’émission télé sur la cuisine en prime, et je ne me suis jamais dit que je serais connu, rectifie l’intéressé. Il faut déjà avoir le talent de ce qu’on fait, mais surtout travailler beaucoup. Et ici, si j’ai un talent, c’est de savoir m’entourer des bonnes personnes. » Et si l’on devait écrire le script d’un film sur Jean Imbert, en quelques mots ? «Ah,jene sais pas. Cuisinier torturé entre son potager en Bretagne et le dîner du jury à Cannes, pour faire contraste… »

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