La double impasse
C’est toujours dans l’épreuve que se révèlent les destins politiques. François Hollande en a traversé de nombreuses pour conquérir l’Elysée et y a gagné une réputation, justifiée, de redoutable manoeuvrier. Mais, depuis bientôt quatre ans, il est confronté à l’épreuve la plus difficile qui soit : l’exercice du pouvoir. De toute évidence, il ne souffre pas sous cette écrasante charge, au point de vouloir doubler la mise en . Son passé, la répu- tation d’habileté qu’il a acquise, plaident en sa faveur et bien des commentateurs font aujourd’hui le pronostic d’une réélection. C’est oublier l’essentiel : pour la première fois dans sa vie, François Hollande aura de multiples comptes à rendre. Plus que sur un bilan chiffré, une présidentielle se joue, en fait, sur une situation qui traduit les courants profonds de la société. En , François Hollande fut élu parce que les Français en avaient assez de ce président excessif qu’était devenu à leurs yeux Nicolas Sarkozy. Ce fut un vote plus psychologique que politique, habilement capté par le thème hollandais de la présidence normale. obéira naturellement à tout autre chose qui pourrait bien être le rejet des élites. C’est sur ce terreau que prospère, aujourd’hui, le Front national. Il sera bien difficile, en revanche, pour le président sortant de se jeter sur ce créneau-là. Il incarne à présent cette élite gouvernementale qui ne résout rien depuis trente-cinq ans. Le chef de l’Etat est même prisonnier d’une double impasse dont il ne pourra guère sortir dans les seize prochains mois. Une impasse économique et sociale, d’abord, qu’illustrent son échec massif sur le chômagequi se redresseet une si croissancelentement qu’elle nous laisse à la traîne des grands pays européens. Si François Hollande n’avait pas tant promis sur le chômage, peut- être pourrait-il sortir de ce piège, mais il n’y aura pas de miracle en . Sur ce terrain, il portera donc le fardeau de la trahison. Sa faillite l’enferme du coup dans une seconde impasse : politique. Ses choix économiques malencontreux ont divisé son camp et surtout fait naître la certitude qu’il ne sera pas réélu. Le pire des poisons en vérité car l’après-Hollande se joue déjà à gauche. Il pousse les uns et les autres, y compris Manuel Valls, à prendre des postures affirmées pour préempter l’avenir. Peu habité par le doute, le Président imagine qu’il a trouvé la parade en jouant les pères de la nation avec un discours sécuritaire. Au vrai, la démission de Christiane Taubira en est la preuve, cette stratégie rétrécit encore plus sa base politique. Certes, il parie, désormais, sur le peuple contre le microcosme socialiste mais, l’analyse fine des sondages le montre, pour le peuple, il est devenu le symbole d’une élite dépréciée.