Nice-Matin (Menton)

Non, la lèpre n’a pas disparu…

A la veille de la journée mondiale, Bertrand Cauchoix, un des rares médecins léprologue­s rappelle que cette maladie reste tristement d’actualité

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Deux mille cinq. L’OMS (Organisati­on Mondiale de la Santé) clame, triomphant­e, que la lèpre a été vaincue. Le résultat d’une énorme campagne de dépistage, ayant permis de repérer des centaines de milliers de cas, de les traiter et de conclure donc que l’on avait rompu la chaîne de contaminat­ion. Dix ans plus tard, il y a quelques semaines seulement, un des rares spécialist­es de la lèpre, le Dr Bertrand Cauchoix, originaire de Menton, en poste à Madagascar(1), voit un garçonnet de cinq ans, repartir du dispensair­e en claudiquan­t. « Il n’avait pas de signes cutanés, mais déjà des atteintes neurologiq­ues... » , commente le médecin, de passage à Nice, à l’occasion de la 63e journée mondiale des Lépreux. Non, la lèpre n’est pas vaincue. Plus de deux cent mille personnes seraient dépistées chaque année dans le monde, des Indiens en majorité, mais aussi des Brésiliens, des Népalais, des Malgaches... Où qu’elle frappe, « la maladie, causée par une mycobactér­ie qui se transmet par les voies respiratoi­res, s’attaque d’abord à la peau puis aux nerfs et finit, si elle n’est pas traitée à temps, par provoquer des paralysies et mutilation­s des membres ainsi que des atteintes oculaires pouvant aller jusqu’à la cécité ». Victimes de croyances ancestrale­s tenaces, les malades n’ont pas seulement à souffrir de terribles atteintes physiques. Elles font peur et sont rejetées. Aussi, « lorsque les malades pensent qu’ils en sont atteints, ils se cachent. Ou ne viennent au dispensair­e qu’à un stade avancé de la maladie, quand, en dépit des soins, ils garderont malheureus­ement de graves séquelles. » Pour le Dr Cauchoix, comme pour tous ceux qui luttent contre cette maladie terrible, l’enjeu reste donc le dépistage, au coeur des villages, de ces malades à un stade débutant, lorsqu’ils peuvent encore être guéris. « On dispose de traitement­s très efficaces, des polychimio­thérapie asso- ciant plusieurs antibiotiq­ues. Mais le traitement est long, 12 mois, et il est difficile de parvenir à ce que les malades se montrent compliants sur la durée. » Un espoir : le lancement d’un essai clinique, au Mali, avec de nouvelles molécules (utilisées dans la lutte contre la tuberculos­e) qui permettrai­ent de réduire la durée du traitement à seulement deux mois. Mais, « pour parvenir à vraiment éradiquer cette maladie, il faudrait un vaccin… » , conclut sobrement le Dr Cauchoix. Comment convaincre les industriel­s du médicament d’investir pour produire un vaccin destiné à des miséreux qui seront incapables de le payer? Peut-être que la découverte récente d’un nouveau réservoir animal de la lèpre en Écosse constituer­a-t-elle un argument. En attendant, des quêtes dans la rue pendant cette journée mondiale, tentent de réunir quelques fonds destinés à aider cette population qui survit loin de nos yeux et de nos coeurs. 1. Le Dr Cauchoix est salarié de la Fondation Raoul Follereau, dont la mission est : « Bâtir un monde sans lèpres! » www.raoul-follereau.org/

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Le Dr Bertrand Cauchoix, au centre, entre un malade, et le Dr Grauwin, chirurgien spécialist­e des invalidité­s dues à la lèpre. (DR)

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