« On est vraiment en marche pour faire reculer le fléau du cancer »
A la veille de la 12e édition Biennale de Cancérologie de Monaco, son président, le Pr Xavier Pivot, raconte pourquoi on est en droit aujourd’hui d’être optimiste
Véritables états généraux de la cancérologie francophone, la 12e édition Biennale de Cancérologie de Monaco se déroulera du 3 au 6 février prochain au Grimaldi Forum. Ce rendez-vous devenu incontournable pour les spécialistes du cancer – ils seront près de 1200 participants – a pour particularité de jouer la carte de la proximité régionale en offrant un accès gratuit à tous les professionnels exerçant en Paca 1).
( Rencontre avec le nouveau président des Biennales, le Pr Xavier Pivot, cancérologue niçois de grande renommée aujourd’hui chef de service à l’hôpital de Besançon et responsable de l’organisation de la recherche sur le cancer du sein à l’Institut National du Cancer, l’INCA.
Quel est l’objectif de ces Biennales? Il s’agit de faire ici un résumé de l’état des connaissances sur tous les cancers, et sur les innovations présentées lors des récents grands congrès internationaux. Et de la façon dont elles vont être déclinées en France. Quelles sont les grandes innovations? Il y a deux nouveautés majeures: la décroissance thérapeutique et surtout l’immunothérapie. Un des outils les plus merveilleux contre le cancer, c’est notre système immunitaire. Qu’entendez-vous par là? Le cancer se développe à notre insu. Notre système immunitaire n’arrive pas à l’identifier comme un ennemi, dans la mesure où il progresse « masqué » ; c’est ainsi qu’il arrive à le tolérer. Une façon élégante de se débarrasser du cancer, est d’expliquer à notre système immunitaire que le cancer est un ennemi à éliminer. D’où l’idée de développer des traitements qui agissent, non pas directement sur le cancer, mais en stimulant le système immunitaire pour qu’il le combatte. Les premiers résultats présentés à l’Asco [congrès de la Société américaine de cancérologie clinique, ndlr] avec ce type de thérapeutiques, des modulateurs de l’immunité, sont assez extraordinaires.
Les malades français y ont-ils déjà accès? Il existe deux à trois essais de phase avec ce type de molécules par type de cancers en France. Soit une trentaine au total. Théoriquement, tous les patients en impasse thérapeutique, peuvent accéder à ces essais cliniques.
Vous avez aussi évoqué la décroissance thérapeutique. En quoi constitue-t-elle un progrès? Nombre de traitements sont efficaces, mais malheureusement très agressifs. Aussi discute-t- on aujourd’hui, pour les cancers qui se soignent bien (sein, prostate…), des moyens de conserver l’efficacité antitumorale, tout en réduisant l’agressivité. Un exemple: dans le cancer du sein, éviter d’enlever tous les ganglions, ne pas irradier tout le sein, mais seulement une petite partie, identifier les patientes qui peuvent éviter la chimiothérapie, prendre des schémas de chimiothérapie moins toxiques etc.
Tous les patients, quel que soit l’établissement où ils sont pris en charge, ont les mêmes chances? On ne peut pas totalement dire ça. En plus de l’accès à l’innovation, il y a en effet beaucoup de bénéfices qui se gagnent – ou se perdent – en fonction de l’organisation des centres. Et de ce point de vue, il existe encore une certaine hétérogénéité. Si on opère quelqu’un et qu’on lui prescrit une chimiothérapie complémentaire avec des délais un peu longs, parce qu’on est mal organisés, on lui fait perdre des chances de guérir. De même, si on passe à côté de certaines évaluations biologiques qui permettent de fixer le meilleur traitement. D’où l’intérêt de congrès comme celui de Monaco dont une des missions est aussi de mettre l’accent sur ces points qu’il ne faut pas perdre de vue, de rappeler les référentiels, les méthodes pour utiliser des traitements validés…
L’accès aux meilleurs traitements est-il, lui, égalitaire? Absolument. Tout le monde a accès aux traitements les plus performants contre le cancer. La France est la meilleure d’Europe en termes de survie et de guérison du cancer; c’est vrai pour les cancers du sein, digestifs, pulmonaires, urologiques…
Comment voyez-vous le futur de la cancérologie? Avec optimisme. Comment ne pas l’être, quand on voit le chemin parcouru en ans, les résultats spectaculaires obtenus! En , à mes débuts, beaucoup de patients étaient foudroyés par la maladie; depuis cette époque, la proportion de patients guéris s’est totalement inversée. Tous les deux à trois ans, on bénéficie de véritables révolutions thérapeutiques. Certes, ma vision est un peu biaisée, dans la mesure où je traite surtout des femmes atteintes de cancer du sein qui a bénéficié d’immenses progrès thérapeutiques. Mais, je suis convaincu, plus globalement, qu’on est vraiment en marche pour faire reculer ce fléau. 1. Une simple demande écrite suffit, à adresser à biennale2016@publicreations.com