Nice-Matin (Menton)

OGC Nice : Rivère,

Un Anglais (Edward Blackmore) et un prince saoudien qui souhaite rester dans l’ombre ont pris 49% de l’OGC Nice en attendant plus... C’est-à-dire la prise de contrôle du club

- PHILIPPE CAMPS

Dans le football, tout le monde cherche de l’argent. Jean- Pierre Rivère en a trouvé. On ignore la somme et l’identité d’un des deux nouveaux partenaire­s financiers. On sait, en revanche, que cette double entrée dans le capital a bousculé tous les suiveurs du club, hier, et boulverser­a l’organigram­me demain. En attendant, le projet reste le même. Les décideurs aussi. Histoire d’un deal.

✓ Comment s’est fait l’accord ?

Ce n’est un secret pour personne : Jean-Pierre Rivère cherche un partenaire financier pour faire grandir le club. Il voit du monde. Des gens sérieux. D’autres moins. Il rencontre des Chinois, un Américain, des responsabl­es de fonds d’investisse­ment. Pas de Français. Jamais. Certaines offres sont ahurissant­es. Jean-Pierre Rivère éconduit les affabulate­urs. Poliment. Le président ne cherche pas à vendre le club coûte que coûte. Il n’est pas pressé. Début août, un coup de fil retient son attention. Celui d’Edward Blackmore. Associé à un prince saoudien, cet Anglais de 36 ans travaille dans l’investisse­ment privé. Rivère et Blackmore prennent rendez-vous. Blackmore a fait son enquête sur le Gym. Rivère s’est renseigné sur Blackmore. L’entrevue peut avoir lieu sur terrain neutre. Entre les deux hommes, le courant passe. Les infos aussi. « J’ai été très pénible avec Edward. Je ne voulais pas

me tromper » , souffle le propriétai­re du Gym. Le projet niçois intéresse Blackmore et son partenaire saoudien. « On est en phase. Pour nous, c’est le bon club, au bon endroit, au bon moment dans le

bon championna­t » , glisse l’Anglais. Les négociatio­ns s’étaleront sur six mois. Le temps pour JeanPierre Rivère de faire quelques allers-retours à Londres et un voyage en Arabie Saoudite, histoire de faire la connaissan­ce avec ce prince discret. Évidemment, Christian Estrosi est mis dans la confidence. A Nice, ils sont trois à savoir ce qui se trame : le président, le maire et Julien Fournier, le DG du club. Claude Puel sera mis dans la boucle quelques jours avant la finalisati­on du dossier. Quant aux joueurs et aux salariés du club, ils ont été informés hier.

✓ Pourquoi deux étapes ?

L’accord prévoit deux étapes. La première vient tout juste de se conclure. Edward Blackmore et son prince saoudien entrent dans le capital du club à hauteur de 49%. Pour les besoins du deal, ils ont créé la compagnie OGC Sport Investisse­ment. L’opération est simple : racheter les parts des ac- tionnaires minoritair­es (Stellardo, Governator­i, Bessis, Bacchialon­i) que Jean-Pierre Rivère avait lentement mais sûrement écarté du pouvoir depuis son arrivée à la tête du club. Si la partie fut rude, le président est parvenu à ses fins. Hier encore, les quatre vendeurs niçois ignoraient à qui ils allaient céder leurs places. Outre le chèque (confidenti­el, il serait d’environ 8 millions selon nos sources) donné aux désormais ex-actionnair­es minoritair­es, Blackmore et le prince saoudien mettent un peu d’argent dans le club. Si la somme reste secrète, elle ne serait ni symbolique, ni conséquent­e. La deuxième étape est écrite. Reste à la valider. « Dans la vie quand les choses ne sont pas signées, elles peuvent ne pas se réa

liser » , avance Jean-Pierre Rivère qui ne se voit pas reculer. Si tout se passe comme prévu, la deuxième étape qui aura lieu au mois de juin, marquera un changement de majorité. Jean-Pierre Rivère gardera 20% du club et sa présidence quand le duo nouveau s’emparera de 80% des parts. De président du conseil de surveillan­ce, Edward Blackmore deviendra vice-président. A ce moment-là, le prince saoudien sortira peut- être de l’ombre. Jean-Pierre Rivère est formel : il restera en poste. Tout comme Julien Fournier. Ensemble, ils continuero­nt à décider des orientatio­ns du club. Seule différence : ils de- vront échanger avec l’étage du dessus sur certains points essentiels comme les transferts.

✓ Qui sont les nouveaux actionnair­es ?

Edward Blackmore ressemble à un trois-quart-centre de rugby qui vient de mettre un terme à sa carrière. D’ailleurs, il est incollable sur le quinze de France et reste un éternel amoureux du ‘’French flair’’. Il vit avec son épouse et ses deux enfants à Bath. Une ville de rugby. Depuis 15 ans, il s’est spécialisé dans les investisse­ments privés. Apporteur d’affaires, il a participé à la transactio­n de clubs comme Sheffield United (D3) en Angleterre en 2013. C’est lui qui a amené l’acheteur : Al Saud, un prince saoudien qui n’est pas celui qui nous intéresse... Depuis 2011, il est associé à un prince qui lui fait toute confiance. Ensemble, ils ont investi dans des académies de football au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Mali. C’est la première fois qu’ils mettent des billes dans un club. « On est sur la même ligne que le président et le directeur général. C’est pour cette raison qu’on souhaite continuer avec eux. On est ambitieux, mais on ne brûlera pas les étapes. Le projet actuel nous convient. Notre objectif : continuer à faire grandir le club. Installer l’équipe dans le haut du classement et l’amener à être compétitiv­e au niveau européen. Mais chaque chose en son temps » , explique Edward Blackmore qui restera en Angleterre et Jean-Pierre Rivère dans son bureau. Depuis qu’il s’est penché sur le dossier du Gym, il a vu deux matchs à l’Allianz Riviera (Bordeaux et le PSG) : « Je regarde également les matchs à la télé. Cette équipe a quelque chose. J’aime son jeu ». Le prince, lui, n’a pas vocation à gérer un club au quotidien. Passionné de football, il est, selon Jean-Pierre Rivère, un vrai businessma­n. Lui aussi aurait entre 30 et 40 ans. Issu de la famille royale, il possède une maison sur la Côte d’Azur. Mais Jean-Pierre Rivère calme le jeu : « Attention, il ne vient pas au Gym pour faire un PSG bis ! Il ne faut pas fantasmer. L’argent ne va pas se mettre à couler à flot. On ne va pas commencer à acheter des joueurs à 10 ou 15 millions d’euros. » Comme quoi, les princes saoudiens peuvent être économes... Combien va-t-il injecter dans les caisses ? « Plus que moi qui ne mettrai plus un euro dans le club », répond Rivère.

✓ Qu’est-ce que ça va changer ?

A écouter les intéressés, l’OGC Nice va monter d’un étage. En ascenseur. Pas plus. Pour Jean-Pierre Rivère, les choses sont simples :

« On a consolidé l’avenir. Mais on continuera à faire des budgets précis et à s’y tenir. On est dans quelque chose de structuré. Le meilleur exemple pour justifier leur venue, c’est Amavi. On l’a vendu pour payer une partie du futur centre d’entraîneme­nt et de formation. Ce ne sera plus le cas avec Edward et le prince. Demain, si on souhaite garder un joueur, on le gardera. »

✓ Comment Jean-Pierre Rivère prépare sa sortie ?

« Les décisions se prennent quand tout va bien, pas quand ça tangue. Mon rôle est d’anticiper, alors j’anticipe » , affirme le président de l’OGCN qui dit avoir un travail à terminer. Lui se voit rester aux commandes encore trois ou quatre années. Pour accompagne­r les nouveaux propriétai­res. L’avenir le confirmera. Ou pas. « J’aurais pu faire une affaire financière. Vendre le club ou des joueurs. Ce n’est pas ma façon de faire. Je vis à Nice. J’adore cette ville, ce club. J’en suis le responsabl­e. C’est mon premier intérêt. Le deuxième : si la seconde étape se fait, je récupère mon investisse­ment (12 millions). Un jour, je ferai peut- être même une plusvalue. Vous voyez, je ne veux pas me tromper sur le futur de l’OGC Nice. Mais j’ai déjà passé cinq ans à sa tête, je n’en ferai pas dix de plus... J’ai toujours dit que j’ouvrirai le capital d’un club que je veux voir grandir. C’est le moment. »

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(Photos Jean-François Ottonello) Edward Blackmore en phase avec Jean-Pierre Rivère.

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