Nice-Matin (Menton)

Dès le XVe siècle les tueurs

L'un des plus anciens arrêtés dans notre région aurait été pris en 1434 à Brignoles, qui en fixe le montant à 1 florin. Le maire de Nice l'a fait passer à 60 francs en 1804. Entre légende et réalité les attaques mortelles sèment la terreur

-

L' histoire se passe dans la montagne de la Loube, non loin de la Roquebruss­ane, dans le Var. Un moine s'est égaré, la nuit, pris par la beauté du paysage et par l'ampleur de ses méditation­s. La lune inonde le lieu de sa lueur pâle. Le moine n'est pas rassuré. Soudain, un murmure. Un loup ? Son sang se glace. Le hurlement se fait plus précis. C'est un loup, en effet. Un autre hurlement, puis un autre encore. Toute une meute le cerne. Alors, saisi d'effroi, que fait le moine ? Au lieu de prier Dieu, il appelle le diable ! « Satan, délivre moi ! » Un moine, invoquer le diable ! Le diable, qui n'en croit pas ses oreilles, surgit aussitôt et, afin d'éviter un massacre, pétrifie les loups. Mais, dans son élan, en pétrifiant les loups il pétrifie aussi le capucin ! Et c'est ainsi que l'on peut voir, sur la montagne de la Loube, un groupe de rochers qui se dressent désormais au dessus du sol. La légende de la Loube fait partie de ces mille histoires, réelles ou imaginaire­s, qui témoignent de la présence du loup dans notre région. Le nom de la Loube, luimême, vient de celui de « loup » ou de « louve » . Comme beaucoup d'autre noms, d'ailleurs : la Loubière à Toulon, prouvant qu'à une époque les loups venaient jusque dans les villes, le col de Gratteloup près de Bormes-les-Mimosas, la Louboniero ou la Baissedu-Loup dans les Alpes-Maritimes ou encore cette « Peira deou loup » - « Pierre du loup » - près de Villeneuve d'Entraunes, rappelant l'histoire du paysan qui, du haut de ce rocher, tint tête toute une nuit à un loup qui voulait en faire sa proie. Il y a aussi, bien sûr, le petit fleuve côtier du Loup qui arrose la commune de Villeneuve-Loubet près de Nice, et dont le nom rappelle que ces animaux abondaient à cet endroit dans les temps anciens ! De tout temps, le loup a peuplé nos régions. Jusqu'au début du XXe siècle où il a disparu – et cela avant sa réintroduc­tion en 1992. Et en même temps qu'il peuplait nos forêts La chasse au loup a mobilisé les population­s de nos campagnes au cours des siècles.

(© DR) Les seigneurs organisaie­nt des battues en mobilisant des meutes de chiens.

(© DR) de la Sainte-Baume, des Maures ou des hautes vallées des AlpesMarit­imes, il hantait l'esprit des enfants. Loup dévoreur d'hommes et de troupeaux, grand méchant loup ou vilain loup garou, loup envoyé du diable, loup devenu grandmère pour manger le chaperon rouge, loup à qui La Fontaine fait rencontrer l'agneau, loup dont Musset nous raconte la mort, loup avec lequel on hurle, de combien de mauvais rêves tu as été le héros ! Et si, de nos jours, depuis la loi sur la protection des loups, des associatio­ns se liguent pour le défendre, beaucoup seront étonnés d'apprendre que pendant des siècles les hommes se sont employés à le détruire – dans notre région en particulie­r ! Et ont été récompensé­s pour cela !

La première grande campagne d'éradicatio­n remonte à Charlemagn­e qui, en 813, créa sur l'ensemble du pays le corps de la « louveterie », chargé de tuer les prédateurs. Mais cela ne suffit

pas. La proliférat­ion des loups dans notre région était galopante. Les passages à travers la Provence des armées sarrasines, françaises, espagnoles, ont laissé à terre des cadavres qui leur ont servi de nourriture et ont participé à leur multiplica­tion. Les différente­s communes ont dû s'organiser. L'un des plus anciens arrêtés pris dans notre région remonte au 15 octobre 1434, au conseil communal de Brignoles. Il propose une récompense. Chaque tueur de loup recevra une prime d'un florin. Lire à ce sujet René Héraud

et son « Histoire de Brignoles » ( Éditions Amis du vieux Brignoles). Il faut croire que la cité de Brignoles fut repérée pour ses initiative­s en matière d'éradicatio­n du loup puisqu'en 1632 y sont organisés les Etats généraux des vigueries provençale­s dans la lutte contre le loup. On appelait « vigueries » les mairies à l'époque. Il y est décidé qu'une prime de 8 livres serait accordée pour chaque abattage de loup, payée par la viguerie où l'animal aura été tué. Le texte sera reconduit jusqu’en 1749. Des battues sont

Newspapers in French

Newspapers from France