Le combat des exploitants azuréens
En marge du Salon de l’agriculture, les représentants syndicaux d’un secteur en pleine crise ont exposé leurs doléances au préfet. Les Alpes-Maritimes résistent mieux que d’autres départements
Sauvons l’agriculture : plus de prix et moins de normes ! » C’est le cri du coeur poussé par les représentants du monde agricole chez le préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat, qui les a reçus mercredi. Main dans la main, les délégués syndicaux de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs ont porté les doléances et le ras-le-bol d’une profession au bord de la crise de nerfs. Ici pourtant, ni manifestation, ni opération escargot, ni action coup-de-poing visant les préfectures ou grandes surfaces. Alors qu’une profonde crise du secteur embrase les régions françaises, les agriculteurs azuréens n’ont, jusqu’ici, pas manifesté leur désarroi au travers d’actions spectaculaires. Certes, les A.-M. résistent mieux que d’autres départements, grâce à un tissu privilégiant les petites exploitations et les circuits courts. Mais ses agriculteurs restent soumis aux distorsions de concurrence et en attente de mesures fortes. Alors que le Salon de l’agriculture se déroule en ce moment à Paris, en voici un état des lieux dans les Alpes-Maritimes, à travers les témoignages de ses représentants et de passionnés qui refusent de se résigner.
« On est moins dans le dur que d’autres régions, qui sont dans le gouffre. Mais on est quand même touchés par ces problèmes de fond qui mettent en péril l’agriculture française
en général ! » Lucide, posé mais inquiet : tel est le constat de Bruno Gabelier, l’autre jour, à sa sortie de la préfecture. Le président de la FDSEA 06 et son homologue des Jeunes agriculteurs 06, Christophe Pellegrin, ont emmené la délégation syndicale venue plaider la cause des agriculteurs. En ligne de mire : les distorsions de concurrence entre voisins européens et des normes étouffantes. « D’accord pour les normes environnementales, à condition qu’elles soient appliquées partout de la même manière, insiste Bruno Gabelier. Or c’est loin d’être le cas. Et la France est première de la classe en la matière. » Entre normes omniprésentes et coûts de maind’oeuvre plus élevés, la tomate française – pour ne citer qu’elle – est forcément moins compétitive que ses voisines d’étal venues d’Italie, d’Espagne ou de Roumanie, regrette Christophe Pellegrin. « Et en plus, on n’a même pas le droit d’afficher notre mieux-disant sanitaire ! »
Les maux qui rongent le secteur agricole sont nombreux. Le retard de versement des primes de la PAC (politique agricole commune) n’a rien arrangé. Et laisse certaines exploitations « avec des trous de trésorerie de plusieurs dizaines de mil
liers d’euros » . Pour y remédier, l’Etat a dû verser deux acomptes, explique Serge Castel, directeur départemental des territories et de la mer (DDTM) : « Le solde sera versé en avril-mai ». 279 éleveurs azuréens devraient en bénéficier. Dans un registre plus local, ces derniers déplorent les attaques de loups, et demandent à relever le nombre de prélèvements autorisés de 36 à 48. Les exploitants agricoles et horticoles, eux, déplorent les ravages économiques causés par la bactérie Xylella fastidiosa : selon les espèces, les ventes s’effondrent de 30 à 70 %.
« Tout le monde souffre »
Eleveurs, maraîchers, horticulteurs, oléiculteurs... « Tout le monde souffre », résume Christophe Pellegrin, soulignant la difficulté de racheter des terres agricoles dans un département « où l’hec
tare peut se céder à 400 000 €, contre 200 000 en Champagne et 20 000 dans d’autres régions ». Serge Castel le confirme : « Si les maraîchers ont la chance de pouvoir écouler sur du circuit court, il y a aussi un besoin de renouveler la pouplation des agriculteurs en leur offrant du foncier » . Si l’état des lieux reste préoccupant, des solutions émergent sur la Côte d’Azur. A l’image du Marché de nos collines, une coopérative agricole animée par une trentaine de producteurs au Rouret. « Ils servent 4 500 personnes par mois, des gens venus de Nice, Cannes ou Antibes ! C’est une super porte de sortie » , saluent les représentants d’un secteur en quête d’un second souffle.