Nice-Matin (Menton)

Qualité contre quantité

- par Michèle Cotta

Pas de mains serrées, pas de dialogues avec les éleveurs, pas d’arrêt prolongé devant les belles bêtes: la visite du salon de l’Agricultur­e a été pour le président de la République une épreuve. Il s’y attendait et s’y était préparé. Tout de même, la matinée de samedi a été rude pour François Hollande, qui s’est astreint pourtant à passer de stand en stand, en faisant bonne figure sous les huées. Arrivé au pa- villon aux vins, plus calme, le Président a retrouvé sa voix pour énumérer les mesures prises par le gouverneme­nt: plan d’aide d’urgence, création d’un comité de révision des normes, baisse de  points des cotisation­s sociales. Mais, chacun le sait, l’interventi­on la plus attendue est celle de la commission de Bruxelles, dont la volonté de dérégulati­on a frappé de plein fouet l’agricultur­e fran- çaise, pour laquelle la loi du marché est cruelle. En réalité, la situation de l’agricultur­e française se délite depuis . Tous les secteurs de l’agricultur­e ne sont pas touchés, puisque l’agro-alimentair­e, notamment, se porte bien. Il n’en est pas de même, et de loin, des éleveurs et producteur­s de lait longtemps préservés, jusqu’à l’année dernière, par les quotas laitiers européens. Aujourd’hui, ceux-ci sont saisis à la gorge par la concurrenc­e internatio­nale et surtout européenne: l’Espagne, dans laquelle les charges sont moins lourdes qu’en France, les Pays-Bas, ardents défenseurs de la liberté du marché à leur profit, l’Allema- gne même, où les entreprise­s agricoles sont plus vastes donc plus naturellem­ent rentables. Ils le sont aussi par la surproduct­ion, de lait ou de porcs par exemple, dont souffre aujourd’hui la France, sans oublier les conséquenc­es de l’embargo russe sur le porc et l’ensemble des produits alimentair­es occidentau­x ainsi que la baisse de la demande chinoise, qui porte un sérieux coup aux exportatio­ns. Quant à la grande distributi­on, elle n’arrange pas les choses. Uniquement soucieuse de faire baisser les coûts, elle se préoccupe peu des cours et de la façon dont ils se répercuten­t sur le niveau de vie, et sur la vie tout court, des agriculteu­rs français. Dans leur plus grand nombre, les décisions prises à Bruxelles et à Paris, chacun le sait, et surtout les dirigeants des grands syndicats agricoles, n’ont pas été prises par l’actuel gouverneme­nt. Il n’empêche: c’est à lui de trouver aujourd’hui la sortie de crise. Cela ne dépend pas seulement des subvention­s qu’il promet, ni des incitation­s à mettre en place pour réduire la production de porcs, ni encore, des négociatio­ns à voir avec les industriel­s et la grande distributi­on. Cela dépend aussi de la réponse de l’Europe, sommée en urgence d’intervenir sur le stockage des matières premières en surplus. Il faut enfin compter sur de nouvelles initiative­s: regroupeme­nt des exploitati­ons agricoles, aides de la science et de l’informatis­ation, développem­ent des circuits courts entre producteur­s et consommate­urs, réponses à donner aux nouvelles demandes haut de gamme en France et en Europe. Qualité contre quantité, et si c’était cela, le nouveau défi agricole français?

« En réalité, la

situation de

l’agricultur­e

française se délite

depuis 1990. »

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