Qualité contre quantité
Pas de mains serrées, pas de dialogues avec les éleveurs, pas d’arrêt prolongé devant les belles bêtes: la visite du salon de l’Agriculture a été pour le président de la République une épreuve. Il s’y attendait et s’y était préparé. Tout de même, la matinée de samedi a été rude pour François Hollande, qui s’est astreint pourtant à passer de stand en stand, en faisant bonne figure sous les huées. Arrivé au pa- villon aux vins, plus calme, le Président a retrouvé sa voix pour énumérer les mesures prises par le gouvernement: plan d’aide d’urgence, création d’un comité de révision des normes, baisse de points des cotisations sociales. Mais, chacun le sait, l’intervention la plus attendue est celle de la commission de Bruxelles, dont la volonté de dérégulation a frappé de plein fouet l’agriculture fran- çaise, pour laquelle la loi du marché est cruelle. En réalité, la situation de l’agriculture française se délite depuis . Tous les secteurs de l’agriculture ne sont pas touchés, puisque l’agro-alimentaire, notamment, se porte bien. Il n’en est pas de même, et de loin, des éleveurs et producteurs de lait longtemps préservés, jusqu’à l’année dernière, par les quotas laitiers européens. Aujourd’hui, ceux-ci sont saisis à la gorge par la concurrence internationale et surtout européenne: l’Espagne, dans laquelle les charges sont moins lourdes qu’en France, les Pays-Bas, ardents défenseurs de la liberté du marché à leur profit, l’Allema- gne même, où les entreprises agricoles sont plus vastes donc plus naturellement rentables. Ils le sont aussi par la surproduction, de lait ou de porcs par exemple, dont souffre aujourd’hui la France, sans oublier les conséquences de l’embargo russe sur le porc et l’ensemble des produits alimentaires occidentaux ainsi que la baisse de la demande chinoise, qui porte un sérieux coup aux exportations. Quant à la grande distribution, elle n’arrange pas les choses. Uniquement soucieuse de faire baisser les coûts, elle se préoccupe peu des cours et de la façon dont ils se répercutent sur le niveau de vie, et sur la vie tout court, des agriculteurs français. Dans leur plus grand nombre, les décisions prises à Bruxelles et à Paris, chacun le sait, et surtout les dirigeants des grands syndicats agricoles, n’ont pas été prises par l’actuel gouvernement. Il n’empêche: c’est à lui de trouver aujourd’hui la sortie de crise. Cela ne dépend pas seulement des subventions qu’il promet, ni des incitations à mettre en place pour réduire la production de porcs, ni encore, des négociations à voir avec les industriels et la grande distribution. Cela dépend aussi de la réponse de l’Europe, sommée en urgence d’intervenir sur le stockage des matières premières en surplus. Il faut enfin compter sur de nouvelles initiatives: regroupement des exploitations agricoles, aides de la science et de l’informatisation, développement des circuits courts entre producteurs et consommateurs, réponses à donner aux nouvelles demandes haut de gamme en France et en Europe. Qualité contre quantité, et si c’était cela, le nouveau défi agricole français?
« En réalité, la
situation de
l’agriculture
française se délite
depuis 1990. »