Nice-Matin (Menton)

Michèle Tabarot ou l’ambition pudique

La députée-maire du Cannet ne cherche pas la lumière médiatique. Réservée, secrète, elle cultive la fidélité au parcours familial et une déterminat­ion posée et pragmatiqu­e

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Michèle Tabarot est un peu l’anti-Sarkozy. Comprenez qu’elle ne tape pas sur l’épaule du premier venu. L’anti-Estrosi aussi. Entendez qu’elle ne court pas en tous sens. Il y a, chez la députée-maire du Cannet, quelque chose de mitterrand­ien dans cette façon de « donner du temps au temps », de résister placidemen­t aux diktats de l’urgence. Le sourire a beau être franc, l’oeil mutin, on la sent sur la réserve. Pour tout dire, qui ne le sait pas jamais ne jurerait qu’elle fait de la politique. Ni qu’elle est d’origine pied-noir. Elle n’en a pas l’exubérance présumée. Réservée, pudique, donc. Cela n’empêche nullement les effusions spontanées de venir à Michèle Tabarot. En ce vendredi de Saint-Valentin, au grand bal organisé par la mairie à La Palestre, les seniors du Cannet l’embrassent comme du bon pain.

« Abordable »

Cette proximité, Michèle Tabarot y tient. « J’essaie de prendre du temps pour être abordable. Quand je suis quelque part, je désire y être pleinement. Je veux être dans l’action, mais en pleine connaissan­ce de cause. Je préfère prendre peu d’engagement­s mais les tenir absolument. » Elle a ainsi instauré des permanence­s de quartier, exercice de démocratie directe à la mode Tupperware. Tous les quinze jours, elle en organise une dans un secteur différent, pour y rencontrer frontaleme­nt ses administré­s qui le souhaitent. Les entretiens s’enchaînent à la manière d’un speed-dating, le chrono en moins. Ce jour-là, au restaurant Le Méditerran­ée, entre soucis de voirie et pins menacés, deux sexagénair­es sont venues lui demander de les marier. Elle leur a donné son accord de principe, même si elle a voté contre le mariage pour tous, craignant les dérives en matière de gestation pour autrui. « Mais ça ne m’a pas empêché de marier un ami homosexuel, indique-t-elle. Quand les gens y tiennent vraiment, je le fais. » Contrairem­ent à tant d’autres, elle n’est pas dans l’affichage à tout prix. « Je suis ambitieuse, déterminée, mais je fais les choses sans excitation. » Christophe Chalier, son député suppléant, dresse le portrait d’une femme « fidèle, loyale, à l’autorité bienveilla­nte. Elle marche beaucoup à l’affectif. Elle est extrêmemen­t tenace, tout en restant toujours d’une grande honnêteté intellectu­elle. » Celle qui carbure au Coca zéro, apprécie l’opéra et les expos mais peut aussi « se lever à cinq heures du matin pour un combat de boxe à la télé » , est arrivée à sept ans au Cannet, en 1969, après la loi d’amnistie des anciens de l’OAS.

Envie d’Algérie

Elle avait auparavant vu le jour à Alicante où ses parents s’étaient exilés à la fin de la guerre d’Algérie. Son père Robert, décédé l’an dernier, fut en effet l’un des dirigeants de l’Organisati­on armée secrète à Oran, le bras droit du général Jouhaud. Excellent boxeur, surnommé « le Rocher », il fut champion d’Afrique du Nord, tout en tenant un magasin de pièces détachées de voitures. De ce passé assumé, revendiqué, Michèle Tabarot a conservé un sens aigu de la famille. Elle a installé un rapport fusionnel avec ses frères, Roch son aîné de trois ans et surtout Philippe, son cadet de huit ans, qui partage sa fibre politique. « Avec Philippe, dit-elle, nous sommes dans une franchise totale. C’est appréciabl­e d’avoir à côté de soi quelqu’un qui ait la liberté de dire quand les choses ne vont pas. » Elle ne s’est encore jamais rendue en Algérie, d’où sa mère est partie enceinte d’elle. Les circonstan­ces ne s’y sont pas prêtées jusqu’ici. L’envie la titille toutefois de plus en plus : « Aujourd’hui, je souhaite y aller, je ressens le besoin de voir cette terre. Même si notre famille a toujours été très soudée, il y a forcément un vide. Nous n’avons pas eu de coffre avec les jouets de la grand-mère, il nous manque des racines, des tombes où pouvoir se recueillir. Je suis née en exil. »

Fan de Giscard

La politique, dans ce parcours? Elle est tombée dedans à la maison, « on en parlait beaucoup », définitive­ment aimantée lors d’un meeting de Valéry Giscard d’Estaing (« je suis fan ») à Cagnes-sur-Mer, qui a décidé de son engagement au Parti républicai­n en 1981. Adjointe au maire RPR du Cannet Pierre Bachelet dès 1983, elle tracera ensuite sa propre route pour lui ravir la mairie en 1995, à 32 ans. Elle-même sans enfant, Michèle Tabarot n’en est pas moins passionnée par l’éducation. Elle a beaucoup planché sur les rythmes scolaires. Sa commune est aujourd’hui l’une des rares où, concentrée­s le jeudi aprèsmidi, les fameuses activités périscolai­res ne se résument pas à une médiocre garderie. Après une rencontre avec le chef Bruno Oger, qui lui a conté le parcours du combattant qu’est l’adoption, elle s’est aussi investie dans ce domaine. La députée a créé un groupe d’étude à l’Assemblée et fait voter deux lois,

portant notamment sur les fonts baptismaux l’Agence française de l’adoption. A titre personnel, elle soutient des orphelinat­s au Cambodge et à Madagascar. « Dans ces moments-là, j’éprouve un sentiment d’utilité, de noblesse de la politique », souligne-t-elle. Discrète, directe, accessible, soucieuse du détail, voici Michèle Tabarot telle qu’elle se revendique : opiniâtre, sans artifice ni esbroufe.

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(Photo Jean-François Ottonello) Michèle Tabarot, peu encline à parler d’elle, se livre au compte- gouttes.

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