Nice-Matin (Menton)

Philippe Besson, une belle histoire en passant... H

Rencontre Dans son dernier roman Les Passants de Lisbonne, l’auteur à succès s’intéresse à la rupture : un deuil pour une femme, une rupture amoureuse pour un homme. Excellent

- ALAIN MAESTRACCI amaestracc­i@nicematin.fr

élène et Mathieu sont les nouveaux protagonis­tes de son dernier roman, Les Passants de Lisbonne. Une histoire, deux histoires même, écrites simplement, avec fluidité, avec tellement de sensibilit­é que l’on s’identifie à ces deux personnage­s – tous les deux dans la peine à la suite d’une rupture – et que l’on dévore et termine le livre, sans s’en apercevoir! Lors de son passage à la Fnac de Nice, l’occasion était donc trop belle de rencontrer Philippe Besson pour faire parler de ce nouveau livre mais aussi un peu de lui...

Vous écrivez un livre par an. C’est beaucoup, non? Je ne sais pas. Simenon en écrivait quatre par an et personne ne le lui a reproché. Écrire pour moi c’est une gourmandis­e, c’est un désir et un plaisir donc je n’ai pas de raison d’y renoncer. Et puis c’est mon rythme aussi : il me faut entre six et neuf mois pour les écrire...

Mais vous n’avez pas de problème d’inspiratio­n? Non. Les histoires me viennent assez facilement. J’imagine qu’il y a des résonances intimes qui me viennent au moment où j’écris le livre mais je ne sais pas d’où me vient cette inspiratio­n et je préfère d’ailleurs ne pas le savoir. Comme beaucoup d’auteurs vous avez commencé à écrire après un drame. Pour vous, une rupture amoureuse. Comment expliquer cela? Je pense que ce n’est pas inutile d’avoir un accident. J’avais envie d’écrire depuis longtemps, je portais ça en moi, et à un moment de ma vie j’ai eu en même temps deux ruptures fondamenta­les : la rupture amoureuse et la vie à l’étranger. J’étais alors dans une chambre d’hôtel sur le continent américain, j’ai commencé à écrire et j’ai compris qu’écrire des livres c’était ce que j’aurais voulu être. Mais est-ce que sans la rupture amoureuse j’aurais écrit? Sans doute non. Cette rupture m’a donc été utile, elle m’a rendu disponible pour l’écriture et m’a permis de franchir le pas. Alors justement, même si certains auteurs s’en défendent, dans chaque livre on met un peu de soi, non ? Heureuseme­nt pour moi, ces histoires ne me sont pas arrivées sinon je serais mort souvent ! Donc j’invente des histoires mais aucun romancier ne peut, me semble-t-il, écrire un livre en faisant abstractio­n de ce qu’il est intimement. C’est- à- dire que je n’écris jamais directemen­t sur ma vie privée mais j’écris à partir de ma vérité intime, donc j’écris avec ce que je suis, ce que je porte, avec mes valeurs... Mais bien sûr les histoires que je raconte ne me sont pas arrivées. Après on transpose car les livres sont la seule occasion de vivre une autre vie que la sienne.

Donc, dans Les Passants de Lisbonne, il n’y a pas beaucoup de vous... Si, il y a beaucoup de moi. Ce qui est assez drôle c’est que Hélène a de moi le deuil, l’idée de devoir gérer des disparus. Et ce que Mathieu a de moi, ce sont bien évidemment les nuits fauves, l’ivresse, la litanie des corps comme je l’ai pratiquée un moment dans la vie, etc. J’emprunte à l’un et à l’autre et puis ils mènent chacun leur histoire sans moi mais je leur donne un peu de moi.

Pourquoi Lisbonne ? Parce que c’est une ville que j’adore. Dans mes livres la géographie est décisive : j’ai besoin de savoir où l’histoire se passe pour pouvoir l’écrire. J’ai écrit sur l’Italie car c’est un pays que j’aime beaucoup et que je connais bien. J’ai écrit sur l’Amérique où j’ai vécu et je vis encore et je voulais écrire sur Lisbonne mais il fallait que je trouve l’histoire qui allait avec. Lisbonne c’est à la fois la vie de la mélancolie, la saudade, et celle des gens qui, le soir venu danse sur un volcan pour oublier leur tristesse. C’est en plus une ville très romanesque, cinématogr­aphique et je voulais raconter cela.

Il y a une phrase cruelle dans votre livre : « On n’est pas heureux deux fois ». C’est dur ! J’ai longtemps pensé ça, que l’on avait une dose de bonheur, qu’on l’utilisait et que quand elle était finie, c’était fini, on passait notre tour en continuant certes à vivre, à être joyeux mais que l’on ne serait plus heureux. Je pensais que quand on avait eu une grande histoire d’amour, on était condamné à en avoir des moins bien après. J’ai un peu changé sur le sujet, j’ai découvert qu’au fond le bonheur c’est comme un téléphone portable : ça se recharge. On a donc la possibilit­é de faire de nouvelles rencontres et peut- être d’être heureux à nouveau. Avec l’âge on comprend que cela n’est pas aussi radical, on s’adapte ( rires).

« Est-ce que sans la rupture amoureuse j’aurais écrit? Sans doute non. »

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(Photo Franz Chavaroche)
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LesPassant­s deLisbonne de Phillipe Besson. Editions Julliard. 18 €.

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