Nice-Matin (Menton)

:Douceline fait pénitence à Hyères

- ANDRÉ PEYREGNE

Bérenger, drapier à Barjols dans le Var, était-il destiné à avoir deux saints pour enfants ? C’est pourtant ce qui lui arriva : son fils Hugues devint le confesseur de saint Louis, fut nommé «bienheureu­x» par l’Église, et sa fille Douceline fut sanctifiée par le pape et devint la patronne de la ville d’Hyères. Tous deux, Hugues et Douceline, sont nés à Digne, le premier en 1205, la seconde en 1214. La famille quitte les massifs boisés de cette partie de la Provence, embaumée dès le Moyen Âge de senteurs de lavande, pour venir s’installer à Barjols où le père a trouvé du travail. Tandis qu’il fait le commerce de ses tissus, la mère, prénommée Huguette, prodigue ses aumônes et s’adonne à la charité. Lorsque Hugues a atteint 25 ans, il prend son bâton de pèlerin, quitte Barjols, et, vêtu d’une robe de bure, parcourt les chemins pierreux et ensoleillé­s du Var pour venir se fixer à Hyères. Là l’attend une communauté édifiée par les franciscai­ns qu’on appelle «cordeliers» - du nom de la corde qui attachait leur vêtement - et dont le couvent se situe à la place de l’actuelle église Saint-Louis. Il devient un grand prédicateu­r. Ses homélies sont si belles que l’historien Salimbene de Parme en parlera plus tard dans ses «Chroniques» qui sont l’un des ouvrages religieux de référence au XIIIe siècle. Sa réputation est si grande qu’au retour de croisade, en 1254, le roi Louis IX, futur saint Louis, souhaitera le rencontrer. Hugues lui reprochera... de s’entourer de trop de religieux pour connaître la vraie réalité du monde. Il insistera aussi sur la nécessité de rendre la justice : «Sire, que le Roi de France fasse bonne justice ! Qu’il soit droit justicier ! ». Louis IX en gardera le souvenir toute sa vie. Quand la femme de Béranger mourut, celui-ci quitta Barjols avec sa fille Douceline pour rejoindre Hugues à Hyères. Cette brune provençale à l’allure aussi douce que son prénom devient «béguine», c’est à dire femme s’adonnant à la vie monastique sans avoir prononcé des voeux perpétuels. La communauté à laquelle elle adhère s’appelle les « Dames de Roubaud » , du nom de la petite rivière près de laquelle ces dames se réunissent. Elles ont fait voeu de chasteté et se consacrent aux pauvres et aux malades.

Elle porte une ceinture d’épines à la taille

Très vite, Douceline prend de l’ascendant sur elles. Elle s’impose une vie de pauvreté, s’inflige des pénitences, porte une ceinture d’épines qui lui blesse le flanc, dort sur une litière en paille. Ses coreligion­naires l’appellent « sainte mère ». Ses extases durant les offices attirent quantité de fidèles. Béatrix, épouse du comte Charles de Provence, l’appelle à ses côtés lorsqu’elle est enceinte. En 1250, elle part créer à Marseille une autre « Maison du Roubaud » près de l’actuelle église Saint-Théodore. Elle rassemble de plus en plus de fidèles. Dans toute la Provence, on n’hésite pas à la traiter de sainte. On commence à lui attribuer des miracles. Ne raconte-t-on pas qu’elle a guéri un certain Raymond qui lui a embrassé les pieds, qu’elle a soigné une soeur paralytiqu­e, une autre mal voyante, et qu’elle a même guéri... le cheval d’un notaire ! Que ne raconte-t-on pas ! Dans son ouvrage sur les « Miracles en Provence au XIIIe siècle », l’historien Gérard Veyssière affirme qu’on compte par dizaines les actes surnaturel­s de Douceline, depuis les guérisons miraculeus­es jusqu’à ses apparition­s inexpliqué­es en passant par le remplissag­e extraordin­aire de sacs de farine vides chez les béguines d’Hyères, un soir où elles se trouvaient au bord de la famine. Lorsque le comte Charles de Provence se voit proposer par le pape de devenir roi de Sicile, il vient, diton, demander conseil à Douceline qui le pousse à accepter. Une de ses disciples, Philippine de Porcelet, décrivit sa vie dans un ouvrage, «La vida de la benaurada Sancta Doucelina», qui fut considéré par le grand historien Ernest Renan comme «l’un des ouvrages les mieux composés et les mieux écrits du Moyen Âge, une des fleurs de cette littératur­e franciscai­ne qui se développe surtout en Italie, et que distingue un grand charme de piété.» Onylit: «Plus Douceline croissait en intelligen­ce, plus elle s’adonnait à prier et à faire oraison;et quand on croyait la trouver jouant avec les autres enfants, et qu’on allait à sa recherche, on la trouvait cachée pour prier dans les endroits les plus secrets de la maison.» Lorsqu’elle meurt, à l’âge de 60 ans, Douceline est l’objet d’un véritable culte. Sa dépouille est enterrée dans l’église marseillai­se des franciscai­ns, à côté de son frère Hugues. Plus tard, saint Louis d’Anjou, saint né et mort à Brignoles, demandera à être inhumé à côté d’elle. Leurs ossements furent ensuite transporté­s dans l’ancienne cathédrale de Marseille. Béatifiée, Douceline est fêtée comme sainte le 1er septembre. Dans l’allée des Oliviers, à Hyères, une église construite en 1970 lui a été consacrée.

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Ce tableau de Sainte Douceline nourrissan­t les pauvres se trouve dans l’église d’Hyères. (© DR)
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Une église consacrée à Sainte Douceline a été construite à Hyères en . (© DR)

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