Nos trésors
À La Trinité, grâce à l’intercession de la Vierge de Laghet, un enfant réchappe à la mort, alors qu’un cochon menace de le dévorer. Un ex-voto dans le sanctuaire de la Madone témoigne.
Le sanctuaire de la Madone de Laghet, blotti au fond d’un vallon à quelques kilomètres au nord-est de Nice sur la commune de La Trinité, est célèbre pour ses dizaines d’ex-votos peints, reflets de la piété populaire. Parmi ceux-ci, un petit tableau montre l’intérieur d’une maison simple. En légende, on lit cette phrase : «Ex-voto de Vierginie (sic !) Ciccion, âgée de 15 mois, arrivé le 28 juin 1863 à Tourrette de Nice, Alpes-Maritimes ». Et la scène centrale représente un bébé emmailloté, au sol, à côté de son berceau, et un cochon dont le groin menaçant semble attaquer le visage de l’enfant. Les cochons sont des animaux omnivores, et l’histoire regorge d’épisodes où leur voracité les a fait manger de l’humain. On sait en particulier qu’une des pires pratiques criminelles des diverses mafias méditerranéennes consiste à faire disparaître le corps de leurs victimes en les donnant à manger aux cochons, qui vont jusqu’à broyer et dévorer les os ! A la campagne, c’est une véritable hantise. Mais la bonne Vierge de Laghet veille. Comme sur tous les ex-votos de son sanctuaire, elle apparaît dans le tableau, et sa bienveillance supposée évite à Virginie une mort atroce.
Un atelier d’ex-votos à Laghet
Que cet événement nous apprend-il d’autre ? Une rapide recherche permet d’en savoir plus. Virginie Ciccion est née à Nice le 28 mars 1863. Son père, François, et sa mère Agnès habitent place Napoléon, actuelle place Garibaldi. François est né en 1826 et Agnès en 1833, tous deux à Nice. Il est tanneur, elle est revendeuse. A leur mariage, le 14 juin 1849, dans l’église Saint-Martin-Saint-Augustin, ils ne savent pas signer l’acte. Chose rare à l’époque, il semble bien que Virginie soit leur seul enfant, et un enfant miraculeux, puisque né quatorze ans après le mariage. Quant à sa présence à Tourrette-Levens, alors qu’aucun lien de parenté ne semble unir sa famille avec ce village, elle s’explique peut-être par une pratique fréquente à l’époque. Agnès Ciccion, née Martin, a trente ans à la naissance de son unique enfant. En son temps, elle est considérée comme vieille, et on peut se demander si elle était en mesure d’allaiter. En outre, quel que soit le milieu social, le recours aux nourrices est très fréquent alors, et on les choisit de préférence loin de la grande ville, où leur santé est réputée meilleure. Voilà qui pourrait expliquer la présence de Virginie à Tourrette. Et puis, on a vu que ses parents étaient illettrés. Qui a donc rédigé la légende du tableau ? On sait qu’à Laghet fonctionne un atelier de peinture de ces ex-votos, dont on ne connaît pas les artistes puisque l’ex-voto doit symboliquement être l’ «oeuvre» du seul donateur. Sans doute est-ce le peintre qui a écrit le texte. Virginie, enfant unique, peut-être follement désiré de ce couple humble puis enfant sauvé, a sans doute dû être regardée comme doublement miraculée. Et donc, justifier amplement ce remerciement à la Vierge. L’histoire ne nous dit pas ce qu’il est advenu du cochon. On peut l’imaginer. Quant à Virginie, nous ignorons aussi son destin, même si, vérification faite, elle n’est pas morte des suites de cet accident étrange. Espérons donc, pour paraphraser l’expression populaire, qu’elle ait eu une belle vie, puisque les petits cochons ne l’ont pas mangée !