Les Azuréens financent la guerre - en millions de francs
Leur patriotisme permettra de verser 90 millions de francs pour l'Emprunt de la Victoire sans compter les autres aides comme les 50 francs donnés par la commune de Saint-André ou l'impôt sur le revenu mis en place en 1916
On n'en peut plus ! Il y a plus d'un an et demi que la guerre fait rage. On n'en voit pas la fin. Nous sommes en 1916. Le 21 février a commencé l'horreur de la bataille de Verdun. L'homme a-t-il jamais engendré une telle tragédie ? La bataille durera jusqu'en décembre et fera 700000 morts. Les obus qui pleuvent sur les tranchées du Nord ébranlent jusqu'à nos rivages. Les journaux en relatent quotidiennement les horreurs. On imagine la souffrance de ces hommes qui sont terrés comme des bêtes, sans cesse aux portes de la mort. Parmi eux, il y a des milliers d'Azuréens dont les femmes et les enfants reçoivent des lettres désespérées. Et il y a ces blessés qui arrivent jusqu'à Menton par trains sanitaires entiers et qu'on soigne dans les hôtels transformés en hôpitaux. Depuis le début de la guerre tous les palaces ont été réquisitionnés - ceux de la Croisette à Cannes, ceux de la Promenade des Anglais dont l'Hôtel Ruhl à Nice. Sur la Côte comme en France, la vie est dure. La nourriture se fait rare. Les prix continuent à grimper. Les finances municipales sont exsangues. La vie économique s'est effondrée. A preuve les activités du port de Nice qui, de 356 000 tonnes en 1913 sont passées à 230 000 en 1915, le nombre de navires étant passé, lui, de 3023 à 2163. Le tourisme est ruiné, les capacités hôtelières étant réduites à cause des réquisitions et du manque de personnel ; les salles de spectacle sont fermées. « Pauvre Côte d'Azur ! La voilà déserte et à moitié ruinée», s'exclame l'Économiste du Littoral dans son édition du 27 avril 1916. Sans rentrée d'argent, les villes sont obligées de recourir à l'emprunt. Nice et Cannes émettent des «Bons municipaux», de 100, 500 et 1000 francs à des taux de 5,75 % à Nice et 6 % à Cannes « remboursables au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de la signature du traité de paix». Belle assurance que voilà ! Les efforts de Sainte-Agnès, Drap, Guillaumes Cela permet de financer la vie quotidienne. Mais il faut également payer le prix de la guerre, et celui-ci est considérable. L’État n'en peut plus : il fait passer les impôts de 1,235 milliard de francs en 1914 à 5,9 en 1917 ; il lance en 1916 un nouvel impôt que nous connaissons toujours aujourd'hui, l'«impôt sur le revenu» (voir encadré). Mais cela est insuffisant. Il faut donc faire appel, en plus, à la générosité publique. Des souscriptions sont lancées dès 1914 par le Secours National, et sont annoncées par voie d'affiche dans le département avec la signature du préfet André de Joly. Dans les villages, le garde champêtre crie l'information de sa voix qui porte, après avoir fait entendre son roulement de tambour. Et tout le monde trouve quelques sous à donner au Secours National. Des « Journées nationales » sont organisées pour stimuler la générosité. Elles portent des noms curieux : «Journée du petit drapeau belge» ,la «Journée des éprouvés de la guerre» ,la «Journée des orphelins de guerre», «Journée du 75», «Journée serbe». Dans son indispensable ouvrage sur « Nice pendant la guerre de 1914-1918», l'historien niçois Ralph Schor signale que les 20 et 28 décembre 1914, le « Petit Drapeau belge » a rapporté 35 000 francs et placé le département des Alpes-Maritimes au dixième rang
français pour sa générosité, le 7 février 1915, la «Journée du 75» a permis de récolter 17000 francs, les journées des 23 et 24 mai 1915 du « Secours national » et du « Jeu de massacre anti-boche (sic)» ont rapporté plus de 63000 francs dans le département. Des journées «locales » sont également proposées, comme celle du 27 février 1916, restée célèbre par la belle affiche dessinée par le peintre niçois Pierre Comba, qui est vendue ce jour-là en carte postale et dont
beaucoup sont restées dans les greniers de nos grands parents au milieu des souvenirs poussiéreux d'une époque oubliée. Chaque village ayant décidé de venir en aide aux cités en guerre du Nord de la France, les conseils municipaux votent des crédits en fonction de leurs possibilités : Sospel 300 francs, Sainte-Agnès 130 francs, Drap, Beausoleil, Guillaumes 200 francs, Gars 27,75 francs, Saint-André 50 francs, La Croix (près de Puget-Théniers)