Brexit: l’Europe veut aller vite, le Royaume-Uni se déchire
Les autres membres de l’Union européenne mettent la pression sur les Britanniques. Ceux-ci, dont le Brexit a révélé les profondes divisions, pourraient voir l’Ecosse voler de ses propres ailes
L’onde de choc du Brexit ne fait que commencer. En Europe, mais aussi à l’intérieur du Royaume-Uni lui même. Hier, celuici apparaissait plus divisé que jamais – avec notamment une Écosse prête à défendre séparément ses intérêts –, alors qu’il faisait par ailleurs face à des Européens désireux d’acter le divorce au plus vite. Car le vote de jeudi a révélé de profondes fractures – sociales, générationnelles, géographiques – chez les Britanniques. Sociales: les partisans du « Leave » (favorables au Brexit) sont, en moyenne, moins diplômés et appartiennent à des catégories socio-professionnelles moins aisées. Générationnelles: les jeunes ont massivement plébiscité le «Remain» (le maintien dans l’Union européenne) – alors qu’ils auront à assumer les conséquences de cette décision bien plus longtemps que leurs aînés, qui ont voté contre. Et géographiques: non seulement entre zones rurales (davantage proBrexit) et urbaines, les premières se sentant souvent exclues d’une mondialisation qui touche d’abord les villes – au premier rang desquels Londres, ville-monde, qui s’est très clairement prononcée pour le «Remain». Mais aussi entre les différentes nations composant le RoyaumeUni: alors que l’Angleterre et le Pays de Galles ont majoritairement voté (à 53,4 % et 52,5 %) pour quitter l’Union européenne, l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont très clairement choisi le contraire, avec respectivement 62% et 55,8%. A Edimbourg, la Première ministre Ni cola Sturgeon a d’ ailleurs confirmé hier, à l’ issue d’une réunion extraordinaire,que son gouvernement préparait les bases légales d’un deuxième référendum sur l’indépendance, et a annoncé chercher à ouvrir des «discussions immédiates» avec Bruxelles pour «protéger sa place dans l’Union européenne».
Deux millions de signatures pour un nouveau vote
Preuve de ces profondes divisions, couplées aux regrets tardifs d’un certain nombre de citoyens ayant voté «Leave» sans croire réellement en la possibilité de l’emporter: une pétition en ligne adressée au Parlement britannique pour réclamer l’organisation d’un nouveau vote, avec des modalités plus strictes (obligation de dépasser les 60% des voix, avec au moins 75% de participation) avait atteint hier soir, en moins de 48 heures, les 2,2 millions de signatures, et continuait à croître rapidement. Dans le même temps, les principaux leaders européens font pression sur les Britanniques pour que la rupture soit actée le plus rapidement possible. Alors que le Premier ministre, David Cameron, à l’ origine du référendum, se donnait jusqu’à octobre pour amorcer la transition et quitter ses fonctions, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs de l’Union, réunis hier à Berlin, ont clairement op té pour une ligne dure. Lors d’une déclaration commune, ils ont estimé que «le
processus [de séparation] doit commencer aussi vite que possible pour qu’on ne se retrouve pas embourbé» ; et le Français Jean-Marc Ayrault a insisté pour qu’un nouveau Premier ministre britannique soit désigné «d’ici quelques jours». La veille, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait déjà prévenu qu’il ne s’agirait pas d’un «divorce à l’amiable», ajoutant: «Mais ce n’était pas non plus une grande relation amoureuse.»
Le commissaire européen britannique Jonathan H il la, d’ailleurs, déjà annoncé hier sa démission.