Nice-Matin (Menton)

Connaissez-vous «Ma Tante»?

Baromètre de la société, le Crédit municipal est un établissem­ent public toujours méconnu du grand public. A Nice, le prêt sur gages dépanne pourtant des milliers de personnes dans le besoin

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

On touche des gens qui sont vraiment dans le besoin mais on est encore mal connu aujourd’hui. 7 Niçois sur 10 ne savent pas ce qu’est le Crédit municipal. » Directeur du Mont-de-Piété de Nice, Jean Daumas, est à la tête d’un établissem­ent public au rôle social prépondéra­nt. Avec 70000 opérations de prêts sur gages effectuées par an, soit 11 000 clients, 26000 contrats et plus de 18 millions d’euros d’encours, le Crédit municipal de Nice fait office de référence en France. Si le prêt moyen accordé en échange du dépôt d’un objet est de l’ordre de 600 euros, les dépannages s’effectuent parfois pour 10 ou 20 euros. Un pécule anodin pour certains mais vital pour d’autres: «Il y a des gens qui viennent pour acheter un sandwich», constate le directeur de cette institutio­n de la société française. «Quand la France va mieux, le crédit municipal va mieux. Au grand moment de la crise, les années 20122013, on avait explosé. En plus, ça correspond­ait à la flambée de l’or. Moralement, c’était dur de voir ces papys et mamies qui déposaient leurs derniers bijoux pour payer leur loyer.» Une vocation à l’aide sociale qui fait la fierté de ce manager qualifié de «bon père de famille» par ses employés. D’autant que ce dernier rappelle que le Crédit municipal tend à l’équilibre mais ne cherche pas à fructifier ses dépôts. «On ne gagne pas d’argent sur le capital, on ne perçoit que les intérêts de ce qui est prêté. » Le but étant que les déposants récupèrent leurs biens au

plus vite pour s’éviter des frais trop importants. «Normalemen­t, les contrats sont de 6 mois mais on est plus sur12 mois. Quand on vend, le client perd son objet ou bijou et, nous, le client. Donc on essaye d’éviter.»

« Pas de frais vendeurs »

Deux possibilit­és s’offrent au client. Confier directemen­t leur lot à la vente [ventes volontaire­s confiées à l’Hôtel des ventes Nice Riviera, ndlr] ou prétendre à récupérer leur bien dès que possible après avoir profité d’un prêt au plus près de sa valeur selon expertise. «Sur les bijoux on est autour de 10 % de ventes, en revanche au moins 60 % des objets divers partent à la vente », confie Jean Daumas. Des ventes inéluctabl­es passées un certain délai, ne serait-ce que

pour approvisio­nner les caisses d’un Crédit municipal dont les intérêts ne sont pas amortis. L’an dernier, des milliers de lots ont ainsi été adjugés pour 3800000 euros, à raison de deux ventes par mois (400 à 500 lots). Des vacations qui attirent un monde fou comme en atteste Maître Yves Wetterwald (Hôtel des ventes Nice Riviera. «On vend d’autant plus que la mise en publicité est maximale maintenant avec Internet. Et une vente fonctionne quand les gens sont au courant. Ce qui est intéressan­t c’est que les vendeurs n’ont pas de frais. En tout cas moins de frais que dans une salle des ventes, sauf s’il faut pratiquer une expertise d’un lot conséquent et alors il faut compter 5 % pour l’expert. Ce qui reste inférieur aux 10 à 15 % de frais dans les salles

de vente.» Au catalogue de ces ventes, beaucoup de bijoux et montres, ou encore bronzes, mobilier et tableaux, mais pas d’électromén­ager ou appareils de nouvelles technologi­es bannis pour le risque qu’ils comprennen­t. Leur absence de garanties.

L’avantage du boni

Autre atout de «Ma Tante», ces démarches simplifiée­s pour les vendeurs. «Quand le client attend un quart d’heure, c’est le bout du monde. Il vient et il repart avec du liquide », assure Jean Daumas. Si aucun plafond ne s’impose aux prêts, des garde-fous assurent la pérennité du Crédit municipal de Nice qui, comme ses homologues, est sous tutelle de la Ville. «On n’a pas de limite légale dans le prêt mais à partir de 50000 euros une commission se réunit sous l’égide du conseil d’orientatio­n et de surveillan­ce qui est composé d’une partie élue et une partie civile [en poste pour 6 ans sous la présidence du maire, Philippe Pradal, ndlr]», précise Jean Daumas. Ultime subtilité, et pas des moindres, le boni. Si le produit d’une vente dépasse les estimation­s, le «boni» (différence) est reversé aux vendeurs. Boni, fruit de belles histoires à Nice. «Il y a quelques années, une mamie qui venait de perdre son mari et n’arrivait pas à payer ses droits de succession nous avait déposé une pendulette et on lui avait prêté entre 50000 et 70000 francs», se remémore Jean Daumas. «Quelques jours avant la vente, on l’a retirée pour l’expertiser… On s’est rendu compte que c’était une pendulette Fabergé ! Elle a été vendue 950000 francs à des Anglais» ,se félicite encore Yves Wetterwald. «Dernièreme­nt, un chef d’entreprise nous a aussi déposé deux de ses montres pour payer ses employés et avoir une trésorerie immédiate», ajoute Jean Daumas pour insister sur le rôle social d’un Crédit municipal qui se porte bien. «Notre activité est liée aux courbes du chômage, les courbes des gages les suivent. On va vers une stabilité avec des fonds propres qui ont doublé en 10 ans. Nous sommes une des premières caisses en terme de résultats, sous contrôle de la Chambre régionale des comptes», conclut un directeur heureux.

 ?? (Photo T.M.) ?? Le Crédit municipal de Nice (ou « Ma Tante »), rue Gioffredo, fait office de référence.
(Photo T.M.) Le Crédit municipal de Nice (ou « Ma Tante »), rue Gioffredo, fait office de référence.

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