J.-L. Grinda : « Qu’est-ce qu’on risque à rouvrir les salles ? »
Le directeur de l’Opéra de Monte-Carlo a adressé une tribune à Emmanuel Macron, l’invitant à rouvrir les salles de spectacles, notamment du secteur public
Il l’a fait « au flanc » admetil, en contactant directement le rédacteur en chef des pages culture du Figaro mardi soir. Quarante-huit heures après, le texte était publié. Dans une tribune diffusée par le quotidien ce jeudi, le directeur de l’Opéra de MonteCarlo, Jean-Louis Grinda également patron des Chorégies d’Orange, appelle le président Emmanuel Macron à rouvrir progressivement les théâtres français. « Je sentais qu’il était temps de dire quelque chose car les restrictions s’éternisent et dans la profession nous avons besoin de perspectives ». Le Monégasque, homme de spectacle, dont le théâtre n’a pas fermé depuis le début de saison, défend un texte « courtois, équilibré et sans acrimonie » et se veut porte-voix pour toute la profession du pays voisin.
Pourquoi vous adressez-vous directement au Président Macron ?
Je lui ai d’abord fait passer ce texte par un canal personnel. Il ne m’a pas répondu, mais je suis bien conscient que ce n’est pas la chose la plus importante de ses journées. J’ai voulu m’adresser à lui d’abord car il est décisionnaire, mais surtout en m’appuyant sur le fait qu’il n’a pas voulu reconfiner la France, alors que cette décision allait à contrecourant de tout ce qu’on lui recommandait.
Aujourd’hui vous lui dites : « Faites la même chose et rouvrez les théâtres publics » !
Tout à fait. Il est vrai qu’on ne peut pas ouvrir trois jours par semaine un théâtre privé, les coûts sont trop élevés, alors commençons dans les théâtres publics, ce serait un signe fort dans la défense de la politique culturelle. Qu’estce qu’on risque ? On sait tous, et l’opéra de Monte-Carlo en est la preuve, que ce n’est pas dans les théâtres qu’il y a des clusters. Les conditions d’accueil, la gestion des flux, le placement du public une place sur deux rend tout ça extrêmement sûr.
Seriez-vous prêts à accueillir des observateurs sanitaires du gouvernement français pour qu’ils étudient la façon dont se déroule un spectacle en Principauté ?
Ils sont les bienvenus ! Mais Madame Bachelot, qui adore l’opéra sait très bien qu’on joue à Madrid, à Barcelone et à Monte-Carlo. Il ne s’agit pas du tout de faire du triomphalisme en Principauté. Étant donné la taille de notre territoire, les flux sont plus facilement gérés. On montre que c’est possible, sans en faire un modèle absolu. Et ce modèle, on peut le rendre possible sur le territoire français.
Quels retours avez-vous depuis la publication de votre tribune ?
Je suis bien loin d’un tweet de Donald Trump (sourire), mais j’ai eu beaucoup de réactions positives, amicales, beaucoup de mercis. Le but est d’aller de l’avant et je trouve d’ailleurs certains de mes collègues d’un silence assourdissant. Est-ce de la timidité ou de la résignation ? Moi je me bats depuis le août à l’opéra de MonteCarlo pour que les levers de rideaux aient lieu. Et chaque concert est une épreuve.
En coulisses, vos équipes se sont adaptées au protocole sanitaire ?
On a pu convaincre nos artistes et nos équipes de les suivre. Ça a été un peu douloureux au début, on sentait encore la peur et l’inquiétude. Maintenant que nous avons fait beaucoup de spectacles, il y a la confiance, on donne du travail à des gens ce qui est mon moteur, même si nous ne sommes pas à l’abri de problèmes en interne.
Les Chorégies d’Orange, dont vous êtes le directeur, pourront-elles se tenir cet été, en respectant la jauge des spectateurs assis ? Oui, nous allons jouer. Le théâtre antique a une capacité totale de places assises, il y a donc un gros manque à gagner sur des spectacles qui sont en train de faire le plein comme Samson et Dalila. Nous attendons de voir, maintenant, quels sont les mécanismes de compensation pour perte de recettes.
PROPOS RECUEILLIS PAR CÉDRIC VERANY