Nice-Matin (Menton)

« Nous avons des difficulté­s à parler des discrimina­tions »

Dominique Sopo, président de SOS Racisme, se montre circonspec­t sur la volonté du gouverneme­nt de mettre fin aux contrôles policiers liés au « délit de faciès »

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Enseignant en sciences économique­s et sociales et président de SOS Racisme, Dominique Sopo réfute tout racisme d’État en France. Il se montre, en revanche, très dubitatif sur la volonté effective du gouverneme­nt de lutter contre les discrimina­tions et les violences policières.

Estimez-vous, comme certains, qu’il existe un « racisme d’État » en France ?

Non. Je ne me reconnais pas dans cette thématique qui renvoie à quelque chose qui a pu exister, sous Vichy avec un État qui avait une logique raciste légale, assortie d’une pratique très consciente d’oppression et d’écartement de population­s. Mais c’est un concept caricatura­l aujourd’hui, qui permet à ceux qui l’utilisent comme à ceux qui le contestent de ne pas évoquer les problémati­ques actuelles du racisme en France.

Quelles sont-elles ?

Elles sont multiples. On voit bien à quel point il est compliqué de traiter des discrimina­tions raciales. Tout le monde sait pertinemme­nt qu’il y en a, sans que nous ayons une réelle politique publique de lutte contre ces discrimina­tions. Nous éprouvons même une forme de difficulté à en parler. Nous sommes par ailleurs les héritiers d’une histoire coloniale qui a légué à la fois des systèmes de représenta­tion et le souvenir de grandes violences. Cette histoire-là est très délicate à évoquer. On a encore vu les réactions au rapport Stora, qui est pourtant très modéré. Et quand on n’arrive pas à débattre d’un sujet de manière apaisée, il finit par s’exprimer d’une façon dégradée, ailleurs dans la société. On le voit à travers les logiques de type indigénist­e. Nous sommes, enfin, confrontés à un État très peu restrictif sur ses pratiques policières. La pratique massive du contrôle au faciès, documentée par toutes les études consacrées à ce sujet, empêche l’État de nommer les problèmes. rétropédal­er, n’était-elle pas totalement démagogiqu­e ?

C’était une bonne idée, mais à condition de savoir ce qu’on mettait derrière. Il existe plusieurs catégories de contrôles d’identité. Mais il y en a un certain nombre qui posent problème, dont les contrôles préventifs qui sont souvent à la base d’abus et de pratiques discrimina­toires. Il faut pousser les pouvoirs publics à réfléchir à cette pratique massive du contrôle d’identité qui, dans les démocratie­s, est une spécificit­é française. Il y a entre cinq et dix millions de contrôles d’identité par an dans notre pays, dont  % ne donnent rien. Rapport après rapport, il a été montré que lorsqu’on était Noir ou Arabe, on avait cinq à sept fois plus de chances d’être contrôlé.

La plateforme de signalemen­t des discrimina­tions lancée par le gouverneme­nt, c’est une avancée ?

Oui, nous y avons d’ailleurs été associés. Cependant, il faudra bien mettre l’accent sur les discrimina­tions raciales. Cette plateforme ne pourra être utile que si, lorsqu’une procédure judiciaire est engagée, elle va à son terme. Et pour cela, il faudra que des policiers et magistrats soient sensibilis­és et formés à cette problémati­que. On ne pourra régler cette question en partant seulement des discriminé­s. Il faut mettre la pression sur les discrimina­nts en alourdissa­nt leurs peines. Il est toujours compliqué, en effet, de prouver déclenchée. La fachosphèr­e et le camp néo-laïc se sont mis en mouvement pour expliquer que le pays était en voie de sécession du fait des Noirs et des Arabes, même s’ils ne le formulent pas ainsi. Ceci dit, si j’avais été le maire, je ne serais pas allé distribuer un tract devant le lycée, ce n’est pas la bonne manière de ramener le calme, même s’il a été victime d’insultes sur les réseaux sociaux et d’une présentati­on caricatura­le de sa commune. Il y a effectivem­ent un travail de sape des réseaux islamistes et de repli identitair­e à Trappes, mais ce n’est pas nouveau.

Il faut former policiers et magistrats à la question des discrimina­tions”

La loi sur les principes républicai­ns est un patchwork bricolé à la va-vite”

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« Il y a un clash entre ce que vivent les Français et le travail demandé aux parlementa­ires. »

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