Nice-Matin (Menton)

Aux Moulins, « il y a des clusters familiaux »

Le quartier sensible de Nice-Ouest est l’un des plus touchés par la Covid-19 selon les analyses des eaux usées. La faute à la forte densité de population et à la promiscuit­é. Reportage

-

Des indicateur­s rouge vif. Les dernières analyses des eaux usées réalisées par les marins pompiers de Marseille montrent que le virus est présent dans tout Nice. Et à des niveaux très élevés. S’il a baissé à l’Ariane, il explose à Las Planas, grimpe à Gambetta et stagne aux Moulins (1).

Selon Véronique Mondain, infectiolo­gue au CHU de Nice, la Covid19 circule davantage dans les quartiers paupérisés. La densité de population est plus importante et les gestes barrières plus difficiles à faire respecter. Un constat relayé par le Pôle santé des Moulins, samedi dernier, lors de la visite du ministre de la Santé.

Pour éteindre l’incendie, la Métropole a décidé de renforcer la prévention dans ces quartiers. La première opération a démarré jeudi soir dans la cité de NiceOuest. Reportage.

« Pas de masques »

16 h 30. Le soleil se couche doucement sur la place des Amaryllis. Les habitants en profitent autour d’un café devant la boulangeri­e Le Fournil, assis sur les bancs ou plantés le long de l’avenue MartinLuth­er-King. Une dizaine de personnes tapent le carton. «Onprofite du soleil avant d’être confinés », avoue Lopez, 48 ans. Ce père de famille est l’un des rares à porter le masque. « Il le faut », souffle-il. « Mais les gens ne le mettent pas toujours », regrette un retraité assis sur le banc, à sa gauche.

« Sauf quand la police arrive », sourit Sofian, 38 ans, appuyé sur un bloc de béton à quelques mètres d’eux. Masque sous le menton et lunettes carrées noires vissées sur la tête.

« Quand on est obligés, on le porte, enchaîne son pote Sofien, sirotant de la vodka-redbull dans une petite bouteille en plastique. Mais là, on est entre nous et dehors. On se fait confiance. C’est surtout avec mes parents que je fais attention. Moi je risque rien, eux oui. »

Un de leurs amis débarque en parka noire. Il met son masque Batman pour nous parler. «Jevis avec ma grand-mère de 86 ans. Elle est aveugle et me demande tout le temps si je mets le masque. Ça m’arrive souvent. Mais ça coûte. »

« Comme une grippe »

La conversati­on dérive. Ça parle politique. Ça se taquine. Sofian reprend le fil. Cet habitant des Moulins fait partie des sceptiques. Il pense que la gravité de l’épidémie de Covid est exagérée. « C’est comme une grippe ». D’ailleurs, il ne croit plus au confinemen­t. « C’est de la poudre aux yeux. Depuis quand l’État se soucie de nous ? Il nous asphyxie. »

Et d’ajouter : « Les gens vont tous être enfermés dans des tours, dans des appartemen­ts à plusieurs. Et vous allez me dire que le virus sera (Photos Eric Ottino) moins actif que si on était dehors?» ironise le trentenair­e.

« Clusters familiaux »

« La promiscuit­é est un point d’entrée de contagion, concède un médecin exerçant depuis 40 ans dans le quartier. Il y a des séries de clusters familiaux. »

Dans son cabinet, les consultati­ons Covid ont explosé. « Entre mars et mai, j’ai traité 17 malades du coronaviru­s. Ça fait un cas par semaine. Depuis le 15 novembre, 380. C’est en moyenne 5 cas Covid par jour, dont le variant anglais qui se répand plus vite et qui est aussi plus lourd. S’il n’est pas détecté à temps, il peut causer une inflammati­on ou une embolisati­on et conduire à une hospitalis­ation. » Pour lui, ce boom s’explique par l’abandon des gestes barrières. «Les gens ne portent plus le masque parce que, soit il faut le payer, soit ils s’en foutent en pensant être immunisés parce qu’ils sont jeunes. C’est faux ! »

« Pas de couvre-feu »

Hamza le sait. Tout le monde

(2) n’échappe pas au virus. Son beaupère est mort de la Covid en décembre. Lui aussi l’a eue. «Aupremier confinemen­t, on n’était pas vraiment confinés, avoue le commerçant de 38 ans. La police nous empêchait de sortir du quartier mais elle nous laissait tranquille à l’intérieur. Comme maintenant. Regardez, on est censés être tous rentrés dans 15 minutes pour le couvre-feu mais il y a encore du monde dehors. Forcément, ça fait des clusters. » Pour autant, il ne croit pas à l’efficacité du vaccin face aux variants. « Tout le monde est réfractair­e », assure Sofian. Ce qui fait bondir Sofien : « Mon père m’a montré la lettre qui lui dit d’aller se faire vacciner. Je lui ai dit de le faire. Si les médecins le recommande­nt, ça ne peut être que bénéfique. » Pour les anciens, comme pour lui. «Y’en a marre de cette vie ! On ne peut plus sortir avec ses collègues, sa femme, ses enfants. Si le vaccin peut me sortir de ça, j’y vais la tête en avant. »

CÉLIA MALLECK cmalleck@nicematin.fr (1) 5 028 concentrat­ions en copies/ mL à Las Planas, 3 570 aux Moulins, Gambetta et Jean-Médecin selon. (2) Le prénom a été changé à sa demande.

 ??  ?? Place des Amaryllis, le masque n’est presque pas porté.
Place des Amaryllis, le masque n’est presque pas porté.

Newspapers in French

Newspapers from France