Nice-Matin (Menton)

« Je ne fais pas diversion je m’occupe des étudiants »

En déplacemen­t hier à Nice, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, a répondu à nos questions. Islamo-gauchisme, précarité estudianti­ne, études de santé : elle livre sa vérité

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Vous venez de visiter le restaurant solidaire, projet porté par la Face . Vous, l’universita­ire, formée à Nice, n’avez-vous pas un pincement au coeur face à cette forme de restos du coeur pour étudiants ?

Ce n’est pas le principe des épiceries sociales et solidaires. C’est un lieu où on vient chercher du lien humain, de la formation et de l’informatio­n même. Ce restaurant solidaire n’est pas ouvert selon les conditions de ressources. Ces jeunes qui n’ont pas l’occasion d’aller au restaurant y trouvent beaucoup de chaleur humaine.

C’est quand même une formule qui trouve une résonance particuliè­re dans le contexte de cette crise qui frappe le monde étudiant ?

C’était toute la force de ces réseaux. Ils ont été extrêmemen­t réactifs au moment de la crise. La difficulté pour un étudiant, c’est d’arriver à dire qu’il va mal. Ici, ils peuvent venir dire qu’ils sont en galère. Nationalem­ent, depuis le premier confinemen­t, plus de  millions d’euros d’aides ont été distribués au travers des université­s, en ordinateur­s, de clés G ou de bons d’achat.

Les études restent très compliquée­s... le présentiel, le distanciel, avec des profs qui ne sont pas formés… Trente-cinq millions d’euros ont été investis par les université­s cet été pour des formations, équiper des salles. Évidemment ce n’est pas parfait partout. Il fallait que tout le monde reste accroché, que ce ne soit pas une année blanche. On a constaté que les étudiants n’avaient pas décroché.

Vous avez expliqué à Poitiers, la semaine dernière, qu’il n’y avait pas de décrochage massif. Vous avez des résultats tangibles ?

On ne note pas, sauf cas particulie­r, de catastroph­e en termes de résultats. Non seulement les étudiants sont venus, mais les notes obtenues sont comparable­s aux années précédente­s, mis à part quelques formations sur le territoire où on peut constater des baisses de

 % à  % de succès aux examens. Sur l’université Côte d’Azur, les taux de réussite sont comparable­s à ceux des trois années précédente­s. Le système a tenu. C’est pour cela que je ne remerciera­i jamais assez les enseignant­s, les enseignant­s-chercheurs et les étudiants.

La souffrance psychologi­que est là...

La période est compliquée, tout le monde est déprimé, encore plus pour des jeunes qui avaient imaginé autre chose. C’est pour cela qu’il leur fallait du soutien psychologi­que, avec ces parcours de soin dans lesquels l’État prend en charge les consultati­ons des psychologu­es pour l’ensemble des étudiants qui en ont besoin, sans avance de frais. Lundi on met en place une plateforme pour faciliter les prises de rendez-vous. Depuis la mise en place des indicateur­s, on a déjà eu   demandes qui ont été prises en charge [sur , millions d’étudiants, ndlr].

Avez-vous vraiment pris la mesure de cette crise ? J’en ai pris la mesure bien avant qu’elle n’apparaisse dans les médias, depuis mars. On a modifié les règles des Crous, donné des aides spécifique­s à ceux qui avaient perdu leurs stages, prolongé les bourses pour ceux qui avaient eu leurs stages décalés, gelé les droits d’inscriptio­n, augmenté les bourses sur critères sociaux, gelé le prix du ticket-restaurant universita­ire, mis en place les tickets U à un euro…

Vous estimez donc avoir assez agi ? Évidemment. Quatre-vingtdix pour cent de mon temps consiste à prendre soin, trouver des solutions, travailler à la reprise des cours pour les étudiants.

Votre déplacemen­t du jour, c’est pour recentrer votre action sur la crise étudiante, faire oublier vos propos sur l’islamogauc­hisme (Photo Dylan Meiffret) ?

Mon travail permanent tourne autour de l’impact de cette crise sur le monde de l’enseigneme­nt supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce n’est pas moi qui ai fait de  secondes d’interview, sur  minutes, une polémique qui n’en finit pas. Je ne fais pas diversion, je m’occupe des étudiants.

Après la lettre de  universita­ires et chercheurs qui réclamaien­t votre démission, suite à la polémique sur l’islamogauc­hisme, on a appris, aujourd’hui, que les syndicats CGT, FSU et Sud de la recherche et de l’enseigneme­nt supérieur demandaien­t la même chose. Une réaction ?

Je réagis en passant toute la journée avec la plus grande fédération d’étudiants de France et en continuant à être toujours aux côtés des université­s, de la recherche et des étudiants. C’est ma mission.

Sur le sujet des primants en médecine, on vient d’assister à un front commun exceptionn­el. L’ensemble des parlementa­ires des AlpesMarit­imes vous a adressé une lettre. Ces primants essuient les plâtres de la nouvelle réforme. Un collectif national, fortement implanté à

Nice, affirme au sortir d’une entrevue hier avec vous que vous ne les avez toujours pas entendus. Votre réaction ?

En réalité, j’avais convié l’ensemble des parlementa­ires qui le souhaitaie­nt pour leur expliquer. Une réforme génère du stress. Les choses sont très claires. Et à Nice peut-être encore plus claires qu’ailleurs, sans être chauvin. La règle c’est : pas de perte de chances pour les redoublant­s en Paces. En parallèle nous travaillon­s actuelleme­nt sur les chiffres des primants avec les établissem­ents.

C’est là que réside la difficulté sur ces primants...

On a pris le taux de succès des primants sur les trois dernières années, appliqué au nombre de primants cette année. Comme ils sont sur toute la France   de plus, ça veut dire plus de places pour les primants que l’année dernière. Sur les trois dernières années à Nice, le taux de succès était de  %. Cette année le taux de succès sera de  %. C’est ça la réalité. Les arrêtés à Nice sont en cours de préparatio­n. Au final ce seront plus d’un millier de places supplément­aires partout en France pour les primants. Ceux qui passeront en deuxième année auront une deuxième chance.

Les étudiants n’ont pas les chiffres du numerus apertus en mains...

Par décret, ils auraient dû être publiés l’an dernier ! Effectivem­ent. C’est quelque chose qu’ils reprochent aux facultés de médecine, mais elles étaient occupées, en mars de l’année dernière, à gérer la crise du Covid.

Il y a une véritable incompréhe­nsion entre vous, les étudiants et les parents ?

Il n’y a pas d’incompréhe­nsion avec les étudiants car on a préparé cette réforme avec eux. Ils la comprennen­t très bien. Ils ont des points d’attention, et demandent de garantir que ceux qui vont passer en deuxième année auront autant de chances que ceux qui redoublaie­nt dans l’ancien système. Je leur ai donné

On ne note pas sauf cas particulie­r de catastroph­e en termes de résultats.”

Au final, ce seront plus d’un millier de places supplément­aires partout en France pour les primants en médecine.”

cette garantie. Je ne sais pas pourquoi le collectif pense que c’est faux alors que c’est moi qui vais fixer le pourcentag­e de places pour les redoublant­s et primants.

Donc vous vous engagez à respecter la loi santé ? Bien sûr. La seule chose qui n’a pas été faite, et j’en suis navrée, c’est qu’on n’a pas publié ces chiffres au printemps dernier quand ils auraient dû être publiés.

PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LECLERC ET DENIS CARREAUX

 ??  ?? « Quatre-vingt-dix pour cent de mon temps consiste à prendre soin, trouver des solutions, travailler à la reprise des cours pour les étudiants », confie Frédérique Vidal, ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
« Quatre-vingt-dix pour cent de mon temps consiste à prendre soin, trouver des solutions, travailler à la reprise des cours pour les étudiants », confie Frédérique Vidal, ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
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