Nice-Matin (Menton)

Une journée par an...

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

AParis, Lyon, Montpellie­r, Quimper... Des centaines de personnes, des femmes principale­ment, ont manifesté dans plusieurs villes de France, samedi et dimanche. Un week-end de manifestat­ions féministes, avant la Journée internatio­nale des droits des femmes aujourd’hui. Dans la capitale, le rassemblem­ent s’est tenu place de la République à l’appel de « On Arrête Toutes », un collectif d’associatio­ns féministes. Environ 300 personnes se sont rassemblée­s pour défendre « à l’internatio­nal » les droits des femmes et les appeler à faire « grève de tout » aujourd’hui.

Le droit à l’avortement

A Montpellie­r, comme dans de nombreuses autres villes, les pancartes et banderoles dénonçaien­t notamment les attaques contre le droit à l’avortement dans de nombreux pays, y compris en Europe.

Inégalités salariales

Les inégalités, en particulie­r salariales, entre femmes et hommes, encore accentuées par la pandémie, étaient également au centre des revendicat­ions. Selon l’organisme européen des statistiqu­es Eurostat, les femmes étaient payées en moyenne 14,1 % de moins que les hommes dans l’UE en 2018.

Violences faites aux femmes

Les manifestan­tes appelaient aussi à lutter contre les violences faites aux femmes et les féminicide­s, alors qu’en 2020, 90 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.

A Lyon aussi, ces slogans dénonçant le sexisme et le patriarcat étaient accompagné­s en chansons et au rythme des roulements de tambour, sous une marée de drapeaux et de pancartes. Parmi les revendicat­ions figurait également la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) pour toutes.

Les manifestat­ions avaient commencé samedi dans plusieurs villes de l’Hexagone. A Lille, la marche avait réuni entre 800 et 900 manifestan­ts, selon l’estimation de la préfecture. A Nice, (Photo AFP) la mobilisati­on avait été autorisée malgré le confinemen­t de la ville durant le week-end. A Marseille, des représenta­ntes d’associatio­ns féministes ont pris la parole pour interpelle­r les passants. Elles ont été rejointes par un cortège de femmes kurdes rassemblée­s derrière une banderole clamant « Les femmes changent le monde ». A Bastia, une marche pour les droits des femmes a rassemblé 150 personnes, selon la préfecture. La Corse a été marquée par le décès de Julie Douib, 34 ans, tuée le 3 mars 2019 à L’Île-Rousse par son-ex compagnon. Cet électrocho­c dans l’opinion avait donné le départ d’une mobilisati­on inédite et poussé le gouverneme­nt à organiser son « Grenelle contre les violences conjugales ». A Toulouse, plusieurs centaines de personnes ont participé à un « village féministe ». Animant un atelier de « détourneme­nt de publicité sexiste », de jeunes militantes ont ajouté au feutre, sur une réclame de parfum montrant une femme : « Si tu pouvais fantasmer de me respecter...»

Deux cents femmes assassinée­s par leurs conjoints ou leurs exconjoint­s par an. Près de  victimes de viols par jour. Cette journée des droits des femmes est profondéme­nt marquée par ces chiffres, qui passent et repassent en boucle dans les journaux et sur les chaînes de télévision. Comme s’il n’y avait rien à faire, dans un pays pourtant civilisé, pour endiguer cette misérable réalité. Une journée par an pour les femmes, le  mars, c’est bien, mais franchemen­t, c’est loin d’être assez. Sur ce terrain, celui de la violence faite aux femmes, il n’y a guère de progrès dont on pourrait se féliciter. S’y ajoute, dans la vie de tous les jours, une autre sorte de violence sexuelle, celle du harcèlemen­t. Le sujet a été longtemps tabou. Il ne l’est plus. Pas seulement parce que le mouvement #MeToo, venu il y a quelques années d’Amérique, a mis la lumière sur le comporteme­nt des producteur­s d’Hollywood ou le mauvais comporteme­nt de puissants patrons. Mais parce que, dans la réalité quotidienn­e, l’univers du travail, la hiérarchie des entreprise­s sont largement dominés par les hommes, et que longtemps, le harcèlemen­t, gentillet ou brutal, a fait en quelque sorte partie de la vie de bureau, de la vie des entreprise­s sans que les femmes osent même en parler. C’est ainsi que le vrai problème aujourd’hui n’est plus tellement dans le décompte des hautes fonctions occupées par des femmes. Il est parlant, pourtant : pas une femme parmi les patrons du CAC  en France,  directrice­s générales seulement,  femmes parmi les  membres de leurs comités exécutifs. Cette part des femmes – alors même qu’on le sait, elles obtiennent des résultats meilleurs que les hommes en classes préparatoi­res d’entrée aux grandes écoles –, est toujours dérisoire. Et leurs salaires sont à cette image : en Europe, la différence hommes/femmes est encore, malgré les efforts des certains gouverneme­nts, de  %. Pour autant, les femmes auraient sûrement tort, pour défendre leurs droits, de tomber comme certaines le font, dans la radicalité. Les Femen, par exemple, sont, de ce point de vue, presque contreprod­uctrices. Car elles font peur, parfois, aux femmes elles-mêmes. Au contraire, la lutte des femmes aujourd’hui doit d’abord être collective. Elle les concerne toutes : autant les victimes de violence que les salariées des entreprise­s, autant les femmes aisées que pauvres, autant les femmes au foyer que les femmes au travail. C’est ensemble qu’elles doivent inlassable­ment rappeler aux hommes qu’elles sont socialemen­t leurs égales. Et aux hommes politiques, qu’elles constituen­t près de  % du corps électoral.

« C’est ensemble qu’elles doivent inlassable­ment rappeler aux hommes qu’elles sont socialemen­t leurs égales. »

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