Il frappe un collègue de chantier pour protéger son « trésor »
Violences ! Le mot s’instruit souvent au pluriel au cours d’une même audience du tribunal correctionnel. Les souffrances cumulées sont de plus en plus issues de paroles discordantes, de complexités, de traumatismes. Sans frontières, elles perfusent tous les milieux, tous les lieux. Un goutte-à-goutte pernicieux, abordé cette fois dans une affaire où le prévenu avait fait opposition au jugement du 30 juin dernier. Il avait été condamné à l’époque à une peine par défaut d’un mois d’emprisonnement ferme pour des brutalités. Retour sur le chantier, ce 30 juillet 2019. La période, propice à l’envolée du cours du cuivre, avait engendré une insatiable cupidité d’un ouvrier intérimaire de 33 ans. Ce personnage caractériel s’était constitué un magot de métal rouge, afin de profiter de larges bénéfices par la revente aux ferrailleurs. Cela rapportait jusqu’à 6 000 euros la tonne en ce temps-là.
Raison suffisante pour écarter des appétences d’un rapineur sur le trésor cuprifère. Prêt à tout pour le conserver, il assénait un coup de poing au visage d’un autre ouvrier qui lorgnait sur cet amas de cuivre. Mal en a pris à l’envieux. Pour l’avoir convoité de trop près, il récoltait de sa fâcheuse aventure trois jours d’ITT.
mentions sur son casier judiciaire
Cette fois, prévenu et plaignant sont à la barre afin de donner leur propre version des faits. Comment confondre les contradicteurs ? Le président Jérôme Fougeras Lavergnolle a
(*) l’occasion de les interroger. D’un côté, la victime prétend « un harcèlement depuis des semaines sur le lieu de travail. Cet homme me traite comme un (Illustration NM)
chien. La forte douleur après le coup reçu m’a obligé à consulter dans la soirée l’hôpital de Cagnes… »
À l’opposé, les propos diffèrent complètement. « Ce personnage a bien quelque chose contre moi. Je suis conscient de ne pas pouvoir agir de la sorte en Principauté. Je tiens à mon emploi et je ne trouverai pas meilleur ailleurs… »
À la lecture du casier judiciaire du prévenu, le magistrat prend un air perplexe. « Vous avez dixhuit mentions sur votre relevé des condamnations prononcées en France pour vols, violences, recels, refus d’obtempérer, conduite de véhicule sans permis, stupéfiants. » Un profil délinquant repris par le Premier substitut Julien Pronier dans ses réquisitions. « C’est un risque que cet homme mesure et c’est aussi l’enjeu du dossier. Pourquoi fuir ses responsabilités pénales ? Il y a le certificat médical et les déclarations des témoins. Enfin, les violences sont établies avec une dix-neuvième mention sur son casier. »
Puis, le parquetier s’adresse au prévenu : « Quelques réflexes subsistent en vous. La condamnation de 2020 démontre que vous avez encore des ardeurs belliqueuses. On ne peut pas faire fi du casier. Je sollicite la reconduite à la prison. »
« Laissez-moi ma chance »
Sans avocat pour assurer sa défense, le trentenaire a conscience qu’il n’est pas parfait. « Dans ma jeunesse, j’ai fait des erreurs. Mais je m’intéresse à mon avenir. Il doit être guidé par aucune déviation du droit chemin. Je ne mens pas. J’ai deux enfants. Laissez-moi ma chance. » C’est possible pour le tribunal avec une condamnation à trois mois avec sursis.
JEAN-MARIE FIORUCCI Assesseurs :Carole Delorme-Le Floch et Morgan Raymond.