Il avait pris un sexagénaire pour un sanglier : le tribunal de Draguignan le condamne à dix-huit mois avec sursis
Aujourd’hui encore, Frédéric ne comprend pas. Lui,
(1) chasseur depuis plus de dix ans, chef de battue depuis 2016 et reconnu à SeillonsSource-d’Argens pour sa rigueur concernant les règles de sécurité, a tué un homme en pratiquant sa passion. En pleurs à la barre du tribunal correctionnel de Draguignan (Var), il ne peut que se confondre en excuses.
Avec un ami ce 2 octobre 2017, il s’était installé pour une partie de chasse à l’affût à proximité de son domicile. Il est 19 h 50 et il commence à faire sombre quand le duo entend du bruit dans les vignes. «Ona vu une masse se déplacer au ras du sol, faisant bouger les fils de fer. Pour moi c’était un sanglier. » Frédéric (DR) épaule, regarde dans sa lunette de visée et tire. Une fois. La cible se déplace sur la gauche. Deuxième tir. À chaque fois touché, le « sanglier » trouve encore la force de changer de rangée. Troisième tir. Mortel. Ce n’est qu’en se rendant sur place que le trentenaire s’aperçoit de sa tragique méprise. Blessé aux jambes et thorax, Pierre G. décède sous ses yeux.
Lors de l’enquête, l’expert en balistique déterminera que 168 mètres séparaient la victime du chasseur. À une telle distance et avec le bruit des détonations, impossible pour Frédéric d’entendre les cris du sexagénaire… D’autant plus qu’à cette heure, entre chiens et loups, il n’avait aucune possibilité d’identifier sa cible. « Savoir avec certitude ce qu’on vise, c’est une règle de base », le tance la procureure Laurence Barriquand. Néanmoins, le tout jeune père de famille n’a violé aucun règlement (2).
« Il y a pourtant une triple entorse aux recommandations de sécurité, relève Me Nordine Oulmi, intervenant aux intérêts des parties civiles. L’heure tardive, la distance des tirs et le fait que ceux-ci n’étaient pas fichants. Monsieur a cru que c’était un sanglier car il était venu chasser le sanglier… » Au bout du canon, pourtant, se trouvait Pierre G., sans doute présent dans les vignes à ce moment-là pour braconner. Habillé en tenue de camouflage et armé d’un fusil équipé d’une lampe torche (éteinte), il était «lui aussi à l’affût » pointe en défense Me Fabien Perez.
« On le surnommait d’ailleurs l’homme-sanglier tellement il était connu pour son braconnage. À quatre pattes, dans le noir, la confusion a été rendue possible… » Jusqu’à l’accident. Reconnu coupable d’homicide involontaire, Frédéric a été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, interdiction de porter une arme pendant cinq ans et plus de 60 000 euros de dommages et intérêts.
V. W. 1. Le prénom a été modifié. 2. Contrairement à la battue, le port d’un vêtement de couleur orange fluo n’est par exemple pas obligatoire lors d’une chasse à l’affût.