Une « double peine » pour les plus pauvres
L’extension du pass sanitaire fait craindre à de nombreux acteurs sanitaires et sociaux qu’elle « exclue davantage » les plus démunis, déjà moins vaccinés que le reste de la population.
Responsable du Secours populaire dans le Puy-de-Dôme, Nicole Rouvert a vécu comme un déchirement qu’une famille reste à la porte du bus lors d’une sortie récente dans un parc animalier organisée par l’association caritative. « Ces gens n’ont pas pu venir car ils n’avaient pas de pass. »
« Il faut que tout le monde puisse se faire vacciner mais il faut faire plus de pédagogie et ne pas infliger une double peine à des personnes qui déjà se privent de tout », confie-telle.
« Exclure davantage »
Pour le député communiste de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, « le pass sanitaire risque d’exclure davantage ». Au sein des entreprises, où « la loi introduit également dans le Code du travail une différenciation entre les salariés en CDD ou intérimaires et les autres, avec une menace de perte sèche d’emploi » en cas de non-vaccination. Également à l’école avec un nouveau protocole sanitaire qui va « accroître encore un peu plus les inégalités sociales », seuls les collégiens et lycéens non-vaccinés (Photo AFP) devant suivre les cours à distance si un cas de Covid-19 était détecté dans leur classe. La Défenseure des droits Claire Hédon a soulevé dix points d’alerte à propos de l’extension du pass sanitaire, dans un document publié le 20 juillet. Parmi ses préoccupations : « Les personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes. »
« La carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités », souligne Claire Hédon qui s’interroge « sur les moyens supplémentaires qui seront mis en place pour toucher les personnes en situation de pauvreté ».
« Fracture vaccinale »
Dans Le Monde du 25 juillet, le géographe de la santé Emmanuel Vigneron s’appuyait sur les dernières données de l’assurance-maladie pour mettre au jour une triple « fracture vaccinale » d’un territoire bien vacciné dans l’Ouest et le Nord et en retard dans le Sud-Est, mieux dans les villes qu’aux périphéries et plus fortement dans les communes aisées que dans les plus défavorisées.
Vers un accroissement des inégalités
Lundi, l’Ordre des médecins s’est inquiété que le pass sanitaire ne prive « pas des patients de soins ».
« Le pass sanitaire est une obligation vaccinale déguisée, discriminant les non vaccinés », a estimé, hier, l’organisation Médecins du monde qui a rappelé, dans un communiqué, que les publics qu’elle accompagne, « depuis longtemps exclus du soin, vont subir de plein fouet ces mesures discriminatoires si elles sont appliquées ».
Une étude de la Drees (le service statistique des ministères sanitaires et sociaux) parue en juillet a montré que les personnes pauvres ont trois fois plus de risques de renoncer à des soins que les autres. «Il faut plus de moyens pour aller vers ces personnes et les convaincre », insiste Franck Dubois, responsable des solidarités familiales au Secours catholique. « Le pass sanitaire enfante les inégalités : les pouvoirs publics, en voulant nous protéger, ne font que les accroître. »
(Photo N.C.)
lits de médecine sont temporisées pour l’instant parce qu’on a déjà ouvert déjà lits pour la Covid et les établissements privés autour du CHU ont commencé à ouvrir des capacitaires : Saint-George, SaintAntoine, la clinique Saint-Jean, Les Sources, Arnault-Tzanck. Ce qui permet pour l’instant de faire face. Si ce premier niveau de réponse est dépassé, le plan blanc nous donne les moyens d’organiser un deuxième niveau de réponse.
Comment en est-on arrivé là ?
Le déclenchement du plan blanc traduit un système de soins qui est en difficultés parce qu’on n’a pas assez de personnel soignant. On manque d’infirmières qui partent vers le privé qui est plus attractif que le public, ou les centres de vaccination qui sont plus attractifs que le privé. Ces derniers absorbent les intérimaires. On a une carence en soignants mais aussi en formation. Trop peu de soignants ont été formés ces dernières années. A court terme, on est face à ce déficit de soignants qu’on n’arrive pas à mobiliser. Et il y a aussi le problème des personnels qui ne sont pas vaccinés et qui, lorsqu’ils sont cas contacts, sont indisponibles pour travailler. A cela s’ajoute le fait que les soignants sont souvent jeunes. Ils ont des enfants qui, lorsque les centres aérés sont fermés en cas de cluster, ne peuvent être accueillis.
Quelle est la cause de la reprise de l’épidémie dans le département ? La cause c’est une vaccination encore insuffisante, associée à un variant super contagieux, associée à des mouvements de population importants.
Que faire de plus pour contenir sa propagation ?
L’Angleterre a connu un rebond épidémique avec le variant Delta deux mois avant nous. Les Anglais ont un taux vaccinal meilleur que le nôtre. A taux d’incidence comparable il y a beaucoup moins de patients hospitalisés, et en réanimation. Ça démontre très clairement que la vaccination est un élément majeur pour éviter la propagation de l’épidémie. Entre la e et la e vagues, la mortalité a été divisée par en Angleterre qui est passée de % de la population vaccinée lors de la
e vague à % de vaccinés pour la e. La vaccination ça sauve les gens et ensuite ça sauve le système de soin. La deuxième chose que nous apprend l’exemple anglais c’est qu’il faut six à huit semaines entre la situation virale et l’arrivée du pic. En France, on peut espérer atteindre le pic de l’épidémie courant août et qu’ensuite on régresse très rapidement. Tous ces éléments combinés pourraient faire en sorte qu’on limite au maximum les impacts négatifs de la crise actuelle.
Y a-t-il eu des démissions de soignants opposés à la vaccination obligatoire ? Je n’en ai pas connaissance.
PROPOS RECUEILLIS PAR MATHILDE TRANOY mtranoy@nicematin.fr